Bonne journée mondiale du travail social

Comme chaque 17 mars, nous fêtons notre journée mondiale. Le thème de cette année 2020 promeut « Des relations sociales vraiment... humaines ». Tout un programme !

Dédions-là à cet éducateur voyant partir un jeune adulte de 18 ans qui, vivant en foyer depuis ses 12 ans, n’a pu bénéficier d’un contrat jeune majeur qui lui aurait permis de continuer à être accompagné. Ce dispositif n’est plus honoré par son Conseil départemental depuis 2015.
Dédions-là à ce régulateur du 115 : c’est le dix-septième communication téléphonique de la journée où il est contraint de répondre qu’il n’y a plus d’hébergement possible. Il ne fait pas assez froid pour que des places supplémentaires soient ouvertes.
Dédions-là à cette famille d’accueil qui gère comme elle le peut un mineur particulièrement agressif et violent atteint de troubles mentaux qui n’a pu être admis en psychiatrie, parce que la liste d’attente est de 93 patients.
Dédions-là à cet assistant social hospitalier qui voit le séjour d’un patient brutalement interrompu sur pression de la direction, sans qu’il ait pu programmer l’aide à domicile, les services qui les prodiguent étant saturés.
Dédions-là à ces éducateurs de rue au chômage, les dotations budgétaires qui finançaient leur service ayant été réorientées vers la vidéo-surveillance.
Dédions-là à cette assistante sociale de secteur qui a passé l’après-midi à chercher un logement pour cette famille qui vient de se faire expulser. Elle n’a aucune solution à lui proposer.
Dédions-là à ce Directeur d'un Établissement et service d’aide par le travail qui a encore dû refuser une dizaine de candidatures d’adultes avec handicap qui n'ont d'autres possibilités que de rester chez eux, désœuvrés.
Dédions-là à cette assistante sociale d’une association en addictologie qui constate que son planning de rendez-vous est déjà rempli pour les six prochains mois, sans pouvoir répondre d’ici là à toute nouvelle demande.
Dédions-là à cette éducatrice devant mettre un terme à l’accueil d’un résident de CHRS : les deux ans fatidiques qui lui étaient concédés pour s’insérer étant dépassés, il ne lui reste plus qu’à retourner à la rue.
Dédions-là à cette conseillère d’insertion et de probation recevant son 98ème dossier de sursis avec mise à l’épreuve à gérer.
Dédions-là à cette éducatrice d’un Centre médico-social qui répond à une famille venue la solliciter qu’il y a un an d’attente.
Dédions-là à cette cheffe de service devant choisir en plein hiver les quinze mineurs isolés étrangers qu’elle va pouvoir mettre à l’abri, alors qu’une cinquantaine lui font face.
Dédions-là à cet éducateur de l’ASE qui ne sait pas où faire dormir le soir-même cette adolescente de 15 ans venant de révéler qu’elle se faisait violer par son beau-père.
Dédions-là à cette assistante sociale scolaire apprenant qu’à la rentrée suivante, le nombre d’établissement où elle interviendra a doublé.
Dédions-là à tant d’autres …

Et rendons hommage à tou(te)s ces professionnel(le)s qui se battent au quotidien avec toute la ténacité, l'esprit de résistance et la créativité possibles pour tisser des relations vraiment humaines, malgré et parfois contre une action sociale institutionnelle farcie d’évaluation et de bonnes pratiques, de rentabilité et de performance, mais bien incapable parfois de respecter la dignité, la solidarité et l’humanité qu’elle est censées promouvoir et garantir.


Jacques Trémintin - 17 mars 2020