Faire face aux résistances

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La vaccination a enfin adopté son rythme de croisière. Il était temps ! Le retard pris depuis le début de l’année ne saurait, comme il se doit, être imputé à nos dirigeants qui le proclament avec force et arrogance : ils ont toujours agi comme il le fallait. Ils ont toujours fait les bons choix. Ils ont toujours pris les bonnes décisions. Qu’on se le dise ! A force de se le répéter, ils vont bien finir par se convaincre eux-mêmes, dans un mécanisme d’auto-persuasion. Mais, ils seront bien les seuls.

Il n’y a pas qu’à l’impéritie et l’incompétence de nos gouvernants à quoi se heurtent les travailleurs sociaux. Ils sont aussi confrontés à une défiance croissante des publics qu’ils côtoient à l’égard des effets secondaire potentiels du vaccin AstraZeneka. Malgré tous les discours rassurants, les réticences ne semblent pas faiblir, au point de voir des salles d’attente se vider, quand l’annonce est faite que c’est bien ce vaccin maudit qui sera injecté et ses stocks s’accumulent, restant en déshérence. Comment expliquer cette réaction ? Ecartons d’emblée les arguties des antivaccins, puisque ce n’est pas l’ensemble des vaccins qui est visé, mais certains en particulier.

Parmi les nombreuses hypothèses possibles, retenons-en trois.

La première tient au fait que le vaccin est effectivement injecté, alors que la maladie n’est qu’une probabilité. Si l’infection possible est virtuelle, l’injection, elle, est bien réelle. Le risque de subir les effets du vaccin est donc perçu comme plus vraisemblable. On est là dans le biais cognitif de représentativité consistant à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs. Même si le nombre proportionnellement infime de la survenue de ces fameuses thromboses en fait une menace mineure, elle fait peur. Le calcul rationnel est, à cet effet, sans appel : la probabilité de décéder de la Covid est évaluée à 1%. Celle d’être atteint d’une thrombose, suite à la prise de ce fameux vaccin, est de 1 pour …100 000 ! Le rapport bénéfices/risques dont on nous rabat les oreilles est donc facilement calculable. Pourtant, cet argument n’est pas forcément suffisant. Peut-être, faut-il alors pousser plus loin l’investigation.

La seconde hypothèse renvoie à la perte de crédibilité de ces autorités dont les mensonges et la suffisance ne peuvent qu’exacerber l’opinion publique. Après avoir supprimé massivement les stocks de masques, tout en affirmant en avoir suffisamment ; après avoir annoncé la nécessité d’un dépistage massif, tout se montrant parfaitement incapables d’organiser la logistique des tests ; après avoir pris trois mois de retard dans la campagne de vaccination ; après avoir raté toute anticipation des protocoles sanitaires à l’école connus la veille de chaque rentrée scolaire et le véritable fiasco des plateformes d’enseignement à distance sacrifiées à la rigueur budgétaire  … ils nous assurent, la main sur le cœur, qu’il n’y a aucune crainte à avoir ! Il ne faut pas s’étonner qu’une partie de l’opinion se méfie : pourquoi devrions-nous leur faire confiance, alors qu’ils n’ont cessé de nous rouler dans la farine, en accumulant des bobards ?

La dernière hypothèse est à replacer en perspective avec l’année qui vient de s’écouler. Nous venons d’être confrontés à une terrible impuissance : celle d’avoir à subir passivement trois confinements synonymes de privations, d’isolement et de restrictions. Enfin, il devient possible de reprendre la maîtrise de nos vies, en exerçant notre libre choix sur le type de vaccin que nous voulons nous faire injecter ! Décider de l’accepter ou non et choisir avec quel vaccin, c’est commencer enfin à retrouver notre liberté …

Les travailleurs sociaux ont toujours su dépasser l’apparence visible d’un comportement humain parfois contre-intuitif, afin d’identifier les motivations et raisons sous-jacentes qui sont bien plus invisibles. Que ce soit l’une des trois pistes évoquées ici ou que ce soit bien d’autres encore, il nous faut les explorer non pour valider ou contester les arguments qui en sont l’expression, mais pour faire avec et accompagner les personnes les plus fragiles dans la double mission qui est la nôtre : favoriser leur pouvoir d’agir ET veiller à leur protection.

 

Jacques Trémintin