Le pot de terre contre le pot de fer (1)

Xavier Vannier, responsable du lieu de vie le Petit Bois situé dans le département de l’Orne vient d’adresser une lettre ouverte au Président de son Conseil départemental : « Le 12 décembre dernier, vous m’avez fait part de votre décision de me retirer mon agrément si je ne vous ai pas, au 18 décembre prochain, fourni le nom d’une association qui prendrait la gestion de mon lieu de vie, actuellement une entreprise en mon nom propre. »

S’agit-il là d’une simple difficulté administrative et pourquoi une telle brutalité juste pour une question juridique ? Le permanent se doute des vraies raisons : « Vous m’avez imposé d’obéir à vos positionnements éducatifs que je n’ai pas partagés. En réponse, il est vrai que je vous ai désobéi, tout en restant bien sûr dans la légalité. » L’ASE de l’Orne avait déjà procédé à deux fermetures de ce lieu de vie, autorisant sa réouverture peu de temps après. Ce qui est loin d’être un épisode sortant de l’ordinaire dans les relations parfois compliquées entre les lieux de vie et leur autorité de tutelle.

Ce qui a cristallisé le conflit ? L’accompagnement d’un enfant que le Petit Bois a accueilli depuis 2011. Pendant presque une décennie, Xavier Bannier a encaissé tous ses passages à l’acte. Il a eu peur face aux risques qu’il courrait. Il a tenu dans le temps, même s’il le reconnaît, il a été tenté à plusieurs reprises de baisser les bras. Mais, il ne l’a jamais lâché ! Pour tenir un tel engagement, il lui a fallu résister constamment à l’ASE qui exigeait de lui un fonctionnement sans affects, ni sentiments, jusqu’à décider de son départ. « Oui, Monsieur le président j’ai continué à vous désobéir. Vous m’aviez demandé que le jeune Morgan, objet de votre énervement pour partie je pense, ne soit plus sur le lieu de vie. Oui, avec ce jeune, nous avons mis en difficulté votre pensée et vos convictions » continue l’éducateur dans sa lettre ouverte. Il s’agirait donc de le punir Xavier Vannier, pour avoir privilégié ses convictions éducatives sur les exigences du service gardien ? Le jeune Morgan a pourtant commencé aujourd’hui à se reconstruire, s’engageant dans une vie adulte qu’on aurait pu imaginer bien plus chaotique.

Mais, pour l’ASE, il n’est pas facile de se déjuger. Sa rancune est-elle allée jusqu’à vouloir la peau de ce permanent de lieu de vie qui lui résistait ? On ne peut quand même pas imaginer, un seul instant, une telle posture venant d’une telle institution. Mais, alors comment comprendre que les jeunes accueillis aujourd’hui puissent faire les frais de ce conflit ? C’est pourtant ce que craint Xavier Vannier : « Ce sont sept adolescents qui se trouveront la semaine prochaine sans solution adaptée à leur problématique. Sept adolescents qui se sont investis dans des projets de vie qui tiennent la route et qui leur permettent d’envisager plus sereinement leur avenir. Sept adolescents qui nous disent ne pas vouloir partir. Ce sont des salariés qui vont se trouver au chômage. Ce sont des stagiaires qui vont mettre en péril l’obtention de leur examen »

Xavier Vannier refuse-t-il tout compromis. Loin de là. Il demande au Président du Conseil départemental de l’Orne de reporter sa décision, en fixant des échéances plus réalistes pour lui proposer un projet sérieux. « Et surtout, Mr Le Président, venez nous rencontrer et rencontrer l’équipe et les jeunes, vous n’avez jamais pu prendre ce temps et c’est dommage. Peut-être que cela aurait permis que vous ayez un autre regard. »

Ce qui va se dérouler maintenant est à suivre dans les pages de Lien Social qui a programmé un reportage sur le Petit Bois et Morgan dans l’un de ses numéros du mois de janvier.

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