Les oubliés de la prévention routière

L’inclusion des enfants et des adultes porteurs de handicap passe par la compensation de leur déficience, mais aussi par leur alignement sur le droit commun, quand cela est possible. Il reste des secteurs où le fossé est encore profond. Explications.

La loi de 2005 sur le handicap prévoit que le principe d’accessibilité s’applique à tout espace recevant du public. Cela concerne les personnes souffrant de handicap moteur qui ne doivent pas se retrouver bloquées, par exemple, par un escalier ou un perron trop élevé. Mais, l’accès doit tout autant être adapté à la déficience visuelle, qu’auditive ou encore mentale. On connaît les difficultés que rencontre notre pays pour concrétiser cette règle légale qui deviendra obligatoire au 1er janvier 2015 : les retards accumulés dans son application ont provoqué non pas la mobilisation générale qu’on aurait été en droit d’attendre mais pas moins de quatre tentatives, de la part du gouvernement, pour instaurer des dérogations. La mauvaise volonté avec laquelle notre société s’applique à favoriser l’inclusion des personnes porteuses de handicap se retrouve dans un autre domaine : celui de la prévention routière. On pourrait en effet s’attendre logiquement qu’à l’accès aux espaces publics corresponde la possibilité de s’y rendre, avec ce que cela implique en terme de mise en oeuvre de l’autonomie de déplacement, mais aussi et cela en découle, de la sécurité lors de ces trajets. Les risques d’accident sur la route ne concernent pas que les personnes présentes à bord de voitures automobiles. En 2010, on a déploré le décès de 485 piétons, de 147 cyclistes et de 248 conducteurs de cyclomoteurs. Le nombre de blessés a été respectivement dans ces trois catégories de 12.086, 3.969 et 11.585. Si l’on ne dispose pas de statistiques spécifiques pour les personnes porteuses de handicap, cette population se déplace tant en ville que sur les routes de campagne à pied, en vélo, en mobylette ou en scooter, voire de plus en plus en voiturette. Pour circuler en toute sécurité, il lui faut connaître, comprendre et respecter les règles du code de la route.

Un décalage à combler

Les déficiences dont elle souffre auraient plutôt tendance à la rendre plus vulnérable, justifiant d’une éducation renforcée. Or, on ne peut que constater une situation paradoxale : ce qui a été progressivement appliqué dans le cadre de l’Éducation nationale (voir encadré), aboutissant à un véritable enseignement systématique et à part entière, tout au long de la scolarité n’a jamais été intégré au secteur médico-social, en terme de programme obligatoire. Des notions aussi élémentaires que l’utilisation des passages pour piéton, les comportements à adopter face aux feux tricolores ou pour indiquer des changements de direction à droite ou à gauche en vélo, la compréhension de la signalisation au sol et de celles des panneaux etc … sont autant d’éléments essentiels qui font partie des compétences considérées comme indispensable aux enfants et aux adolescents… sauf quand ils sont porteurs de handicap, ces notions devenant alors facultatives. De nombreuses équipes éducatives se sont souciées de cette prévention, mettant en œuvre des programmes d’éducation routière et faisant passer ASSR1 & ASSR 2. Mais, un tel apprentissage reste de leur libre initiative. Les deux expériences présentées dans ce dossier démontrent comment il est possible de se montrer volontariste en la matière. La première, celle d’ERA formation, privilégie l’acquisition d’une sensibilisation généraliste face à l’insécurité routière et d’une préformation pour accéder plus facilement aux compétences de conduite que peuvent assurer les auto-écoles de droit commun. La seconde est celle du centre de formation auto-école adaptée de l’ESAT Jeunesse et avenir qui est habilité depuis 1995 pour préparer aux différents examens du permis de conduire.

De l’APER à l’ASR

C’est par la loi du 26 juillet 1957 qu’a été introduite, à l’école, l’obligation d’une éducation routière. Si les règles auxquelles doivent se plier les piétons et les vélos sont alors enseignées, celles afférentes « à la conduite des animaux isolés ou en groupe et des troupeaux » le sont tout autant ! La mortalité sur la route va inciter l’État à réformer cet enseignement. Le décret du 12 février 1993 crée, tout au long de la scolarité obligatoire un continuum éducatif jalonné par deux évaluations. C’est d’abord l’Attestation scolaire de sécurité routière de premier niveau (ASSR 1), qui est attribuée après une évaluation en classe de cinquième. C’est ensuite, l’Attestation scolaire de sécurité routière de second niveau (ASSR 2) obtenue en classe de troisième. Pour les personnes nées après 1988, la détention de l’ASSR 1 (partie théorique) est nécessaire pour l’obtention du Brevet de sécurité routière qui constitue alors la partie pratique autorisant la conduite d’un cyclomoteur. De même, la détention de l’ASSR 2 est un préalable pour se présenter à l’examen du permis de conduire automobile. En 2002, la formation assurée tout au long des trois cycles de l’école primaire est sanctionnée, en fin de CM2, par l’Attestation de première éducation à la route (APER). Au delà de 16 ans, limite de l’école obligatoire, c’est aux GRETA, service public de formation continue pour les adultes dépendant de l’Éducation nationale et aux Centres de formation des apprentis pour celles et ceux qui sont engagés sur une qualification professionnelle en alternance, qu’il revient d’avoir à faire passer l’Attestation de Sécurité Routière (ASR) qui équivaut aux trois précédentes. Les adultes porteurs de handicap souhaitant conduire un cyclomoteur ou une voiturette doivent donc passer l’ASR auprès d’un GRETA, puis le BSR auprès d’une auto-école. A noter, l’existence d’une Attestation d’éducation à la route (AER), à destination des personnes atteintes de déficience visuelle.

 
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°1057 ■ 05/04/2012