AEMO: L’aide éducative spécifique

Un soutien intensif à la parentalité en alternative au placement

Pendant très longtemps, les professionnels de la protection de l’enfance n’ont eu à leur disposition, pour répondre aux dysfonctionnements familiaux pouvant mettre les mineurs en situation de danger, que deux types de mesures. La première consistait à intervenir au sein de la famille, pour l’accompagner dans ses difficultés. La seconde relevait d’une séparation de l’enfant d’avec ses parents et de son placement en un lieu tiers (famille d’accueil, maison d’enfant à caractère sociale, lieu de vie…). Ces interventions pouvaient être réalisées à la demande des parents, nécessitant alors la signature avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE) d’un contrat d’aide éducative à domicile (AED) ou d’un contrat d’accueil provisoire. Mais en cas de refus de collaboration de la part des parents et de mise en danger du mineur, le juge des enfants pouvait prendre une décision contraignante d’assistante éducative, en imposant à la famille soit une Aide éducative en milieu ouvert (AEMO), soit une garde provisoire de l’enfant confié alors à l’ASE. Aujourd’hui, ces deux possibilités continuent à être appliquées. Mais, d’autres mesures sont venues enrichir le dispositif de protection de l’enfance. Bien des situations, en effet, ne présentent pas un tel niveau de dégradation justifiant d’un placement, mais sont malgré tout trop détériorées pour qu’un simple accompagnement en milieu ouvert apparaisse suffisant. Des expériences de terrain avaient bien conçu, depuis des décennies, des solutions intermédiaires. Mais, elles restaient non seulement isolées et anecdotiques, mais pas vraiment légales. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a ouvert la voie à l’innovation, incitant à la diversification des prises en charge et permettant ainsi le développement un peu partout en France d’une palette d’approches complémentaires. Trois modalités déjà existantes sur le terrain ont ainsi pu être officialisées : le placement séquentiel, le placement éducatif à domicile (PEAD) et l’Aide éducative en milieu ouvert/l’Aide éducative à domicile à moyens renforcés. Les professionnels peuvent dorénavant tenter de répondre aux problématiques des familles, en choisissant le dispositif qui leur semble le mieux adapté. Un accompagnement classique (AEMO/AED) d’abord, qui leur permet de rencontrer la famille une fois toutes les deux ou trois semaines. Une intervention à domicile (AEMO/AED) avec des moyens renforcés, ensuite : les professionnels interviennent en moyenne une fois par semaine. Un Placement Éducatif A Domicile (PED ou PEAD), encore, leur fournissant la possibilité de passer deux à trois fois par semaine. Un placement séquentiel, enfin, qui propose une répartition de la semaine de l’enfant en partie chez ses parents et en partie dans une famille d’accueil, un lieu de vie ou dans une maison d’enfants à caractère social. Et puis, il y a l’accueil classique prévoyant des visites ponctuelles de l’enfant chez ses parents. La journée d’étude tenue le 5 mai 2015 à Rennes(1) proposait de regrouper l’ensemble des dispositifs alternatifs, divers et variés, propres à chaque département sous le terme générique d’ « Aide Éducative Spécifique ». Car, au schéma qui vient d’être esquissé, se rajoutent des pratiques locales originales et créatives, comme celle existant dans le Calvados où le Service Éducatif en Milieu Ouvert (SEMO), exerçant des mesures judiciaires d’AEMO, mais propose aussi cinq places d’hébergement sur chacun de ses cinq sites, permettant un accueil de dépannage (2). Si la terre normande a pris l’initiative de cette double compétence, et ce dès les années 1970, la Sauvegarde de l’enfance du Finistère créa, elle aussi, au milieu des années 1980 un Service Éducatif en Milieu Ouvert dispositif fonctionnant sur ce même type d’approche mixte : à la fois une AEMO à moyens renforcés et une offre d’hébergement en direction d’une population d’adolescents et de jeunes adultes en rupture ou en errance, âgés de 15 à 21 ans. Après avoir été retenue l’appel à projet de son Conseil départemental, la même association a ouvert en 2012 un service judiciaire de milieu ouvert à moyens renforcés dédié à l’intervention auprès des familles : le Service d'Accompagnement pour les Familles et les Adolescents (SAFA). Le dossier central de ce numéro de Lien Social propose à ses lecteurs un coup de projecteur portant à la fois sur le SEMO et sur le SAFA, son ambition étant de rendre un peu plus familier le fonctionnement de l’un des nombreux maillons qui constituent le dispositif français de protection de l’enfance.  

(1) « L'Action Educative Renforcée, entre AEMO, AED et Placement. Opportunité ou menace ? » Journée organisé par le CREAI de Bretagne et huit association gérant des AEMO renforcées http://www.actioneducativerenforcee.fr

(2) Lien Social avait consacré un reportage sur ce dispositif dans son n° 638

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1171 ■ 15/10/2015