Éloge de l’insignifiance

La plupart du temps, je m’applique à dénoncer, ici, le bruit et la fureur d’un monde débordant d’injustice et de violence. Aujourd’hui, place à la poésie et à la futilité. Enfin, un peu de douceur dans ce monde de brutes ! A Brest, une famille de locataires a réussi à retarder de plusieurs semaines la construction de la ligne de Tram. Qui étaient ces squatteurs occupant la grange attenante à l’une des maisons vouées à la démolition ? Un couple d’hirondelles rustiques (Hirundo rustica) nichant avec ses quatre oisillons. Bas les pattes ! Détruire leur nid est interdit par la loi et peut coûter jusqu’à 9.000 € d’amende. On a du sagement attendre que les petits prennent leur envol. La ligne de train à grande vitesse entre Le Mans et Rennes a connu la même aventure. Ce sont, cette fois-ci, des hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) qui ont stoppé le chantier. La destruction d’un corps de ferme abritant plusieurs nichées avait fait l’objet d’un procès verbal, auprès du procureur de la République. Les bulldozers ont du attendre que les petits grandissent et migrent vers l’Afrique, pour reprendre le travail.  Des lecteurs défenseurs de la nature vont certainement applaudir, quand d’autres feront preuve d’une ironie mordante, face à tant de sensiblerie. A une époque où l’on ne parle plus que de rentabilité, de productivité et de compétitivité, arrêter de gigantesques chantiers pour quelques piafs, me fait penser que tout n’est pas perdu pour l’espèce humaine.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1038 ■ 10/11/2011