30 ans déjà

Il fut longtemps censuré, l'pornographe du phonographe. Normal, les braves gens n'aiment pas que/l'on suive une autre route qu'eux. Il s’attaquait aux flics : en voyant ces braves pandores/être à deux doigts de succomber/moi, j'bichais car je les adore/sous la forme de macchabées ; et à la peine de mort : le juge au moment suprême/criait « maman », pleurait beaucoup/comme l’homme auquel, le jour même/il avait fait trancher le cou. Il ne supportait pas plus la race des chauvins, des porteurs de cocardes/les imbéciles heureux qui sont nés quelque part. Il haïssait les guerres : au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi/mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami ; rejetait le sacrifice suprême: quand il les voit venir avec leur gros drapeau/le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau/mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente ; et se moquait des anciens combattants de tout bord : vos filles et vos fils vont la main dans la main/faire l'amour ensemble et l'Europe de demain. Et quand un père convoqué au commissariat, pour son voleur de fils, se contentait de lui passer sa blague à tabac, il commentait : je ne sais pas s'il eut raison/d'agir d'une telle façon/Mais je sais qu'un enfant perdu/a de la corde de pendu/ a de la chance quand il a/un père de ce tonneau-là. Un tel mécréant mérite-t-il le salut de Dieu ? Qu'il me le pardonne ou non, d'ailleurs, je m'en fous/j'ai déjà mon âme en peine : je suis un voyou. Merci, Monsieur Brassens.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1036 ■ 27/10/2011