FRANCAS Les questions autour de la parentalité

Contexte d’action

Le rôle des parents et leur place dans les structures de loisirs éducatifs sont aujourd’hui deux dimensions discutées par les animateurs. Pour autant il n’est pas toujours aisé de savoir quel positionnement l’animateur doit avoir face au parent dans sa pratique quotidienne.
Jusqu’où aller ? comment faire ? pour quoi faire ? Et les enfants dans tout cela ?
La question de la parentalité, ou tout au moins du rapport parent-travailleur social, n’est pas de prime abord constitutif d’une évidence, tant dans les volontés d’information et de formation que dans les réponses potentielles souhaitées.

Objectifs de la formation

-       Travailler autour des représentations de chacun sur les questions de la parentalité
-       Apporter des éléments théoriques permettant la compréhension globale de la notion de parentalité (éléments historiques, enjeux actuels, acteurs).
-       Accompagner chaque membre de l’équipe à s’interroger sur ses propres pratiques en s’appuyant sur les deux points précédent.
 

Méthodes Pédagogiques

-       Témoignages
-       Échanges
 

Proposition de Contenus

Une mise en questionnement et de réflexion basée sur des confrontations d’idées et des apports de connaissances autour de trois pôles
1.      Une interrogation de ses propres représentations sur la notion de famille, de places du père et de la mère, de la fonction parentale, et donc de l’éducation et de la socialisation s’inscrivant en filigrane de la formation.
Objectifs :
-       Repérer ses valeurs éducatives
-       Relier son regard porté sur les parents rencontrés à sa propre éducation tant familiale et sociale que professionnelle
2.      Une approche de l’évolution de la famille d’une part et l’encadrement de ces familles par les travailleurs sociaux (en développant en particulier une approche systémique et complexe).
Objectifs :
-       Se donner une lecture affinée de la sphère familiale et des processus d’éducation au regard des différents groupes sociaux d’appartenance
-       Développer une réflexion sur la co-éducation
-       Permettre de se positionner et de s’identifier professionnellement
3.      Une approche de la construction de l’être « parent » d’une part et de ce qui se joue dans la relation parent-enfant d’autre part
Objectifs :
-       Appréhender le processus qui amène un homme et une femme à se percevoir « parent »
-       Comprendre la place de l’enfant dans la sphère familiale
 


Proposition de Jacques Trémintin

Préambule :

Le programme esquissé est très ambitieux pour une seule demi-journée.
Répondant néanmoins à la commande, je propose une répartition en trois étapes :
-       un travail sur les représentations des stagiaires (45 minutes) quatre groupes mixtes sont invités à élaborer pour deux d’entre le profil du père et pour deux autres le profil de la mère. Chacune de ces caractéristiques évoquées à tour de rôle par chaque rapporteur(e) de ces quatre groupes sera ensuite notés dans un tableau à deux colonnes : l’une réservée à toutes les qualités culturelles, l’autre toutes les qualités naturelles. Cette répartition ne sera révélée qu’en fin d’exercice. Il s’agit de démontrer en quoi la fonction parentale est avant tout une convention.
-       Un exposé théorique (deux fois une demi-heure séparées d’une pause d’un quart d’heure) : voir en annexe le texte que je présenterai que partiellement mais qui sera remis complet aux stagiaires
-       Un travail en quatre groupes (Une heure)
1  - Chaque groupe réfléchit sur l’un des quatre ensembles de questions posées initialement (15 minutes)
2  - Quatre séances de 10 minutes, pour rapporter les échanges, engager un débat avec le reste du groupe
 
 

Portée et limites de la place de l’animateur

Animateurs sont-ils …
… partenaires des parents …
… en faisant reconnaître sa place
-       Comment trouver sa place face à ton quartier ?
-       Quels sont les repères des animateurs dans la relation parents, enfants, centre de loisirs ?
-       Comment donner une bonne image de la structure à un jeune dont les parents sont hostiles à cette structure ?
-       Quel lien entre les secteurs jeunes, enfance, culturel et la mission locale ?
 
… en les associant
-       Quelle place donner aux grands frères/sœurs, lorsque ceux-ci occupent un rôle majeur dans la cellule familiale ?
-       Comment parvenir à mobiliser des parents sur des questions éducatives en direct, sans appui sur les actions (conférences, débats, ateliers…)
-       Comment investir les parents des jeunes sur nos actions dans les loisirs, les projets des jeunes ?
-       Comment créer un lien avec eux ?
-       La place des parents au CLSH, pourquoi ?
 
… suppléants des parents …
… en les soutenant
-       Qu’est-ce que l’accompagnement à la parentalité ?
-       Quelles doivent être nos limites, en tant que structure de loisirs et d’éducation, dans l’accompagnement des familles ?
-       En terme d’éducation, quelles limites pour l’animateur ?
-       Où s’arrêtent les conseils d’un animateur à un jeune ? (sans remplacer un père absent
 
… en les remplaçant
-       L’enfant pose cette question : pourquoi mes parents se battent ? Comment réagir face à cette violence?
-       L’incohérence des parents peut-elle nuire à l’épanouissement de l’enfant dans les centres de loisirs ?
-       Trop souvent on a des financeurs qui veulent qu’on dise aux parents ce qu’ils ont à faire
-       L’animateur = relais de l’éducation parentale

 


De la famille à la parentalité
La famille est en crise et les parents sont régulièrement mis en cause face à l’évolution de leurs enfants.
Que penser de l’évolution de l’institution familiale contemporaine et de la crise de la parentalité ?
C’est ce que nous allons essayer de voir ensemble aujourd’hui.
 

1- la famille dans tous ses états

La famille pourrait apparaître aujourd’hui comme l’une des institutions les plus menacées dans son devenir, du fait des mutations en cours.

Pour autant, 87% des 15-29 ans interrogés en 1998 considéraient qu’elle devait rester la cellule de base de la société.

Pour comprendre cette contradiction, il faut peut-être en revenir à la profonde diversité de ce qui constitue cette organisation élémentaire de la communauté humaine, qui a toujours su s’adapter aux besoins manifestés par son époque.

 La famille est une institution qui a toujours été idéalisée et fétichisée. Longtemps,  on a pu penser qu’il y avait eu un sens historique dans la succession du matriarcat au patriarcat, puis du patriarcat à la famille nucléaire, cette dernière représentant la forme ultime et achevée de la famille.

 

1-1  Emergence de la famille nucléaire

Or, cette forme familiale regroupant le couple parental et ses enfants n’est que l’un des maillons d’une longue chaîne qui a proposé de nombreuses combinaisons différentes par le passé et qui continuera à agencer d’autres types d’assemblage encore à l’avenir.

La forme privilégiée prise alors par la famille en Occident - la famille nucléaire- n’est ni la plus fréquente, ni forcément la meilleure. C’est au XIXème siècle qu’elle s’est imposée, au détriment des autres modalités telle la famille communautaire (tous les fils se mariaient et s’établissaient au foyer parental) ou encore la famille-souche  (un seul des fils héritant et restant avec ses parents, les autres devant s’installer ailleurs).

Ce noyau nucléaire n’était fondé ni sur l’union volontaire du couple, ni encore moins sur l’amour qui l’anime, de telles notions restant longtemps totalement incongrues. L’homme et la femme qui s’unissaient le faisaient sans que leur consentement ou leur choix ne soient sollicités. Ils pouvaient bien sûr s’aimer, mais ce qui comptait, c’était avant tout l’alliance dont les objectifs étaient exclusivement économiques et utilitaires.

Il est intéressant de remarquer que la société connut alors bien des caractéristiques que l’on attribue aujourd’hui à la perte des valeurs familiales.  Avec une mortalité infantile très forte et une espérance de vie limitée, les veuvages étaient fréquents, les remariages tout autant. Les familles recomposées intégrant un nouveau conjoint ne sont donc pas une invention contemporaine. Les marâtres qui peuplent les contes populaires en sont la preuve.

Etaient donc chose courante, tant la cohabitation de plusieurs enfants issus de lits différents que la circulation des enfants pris en charge par d’autres familles, soit parce qu’ils étaient orphelins, soit parce qu’ils venaient combler la stérilité d’un couple ou encore alléger une fratrie déjà trop nombreuse.

Quant à l’absence d’un père parti au loin pour gagner sa vie, elle n’était pas rare, elle non plus.

Donc, en la matière, rien de bien nouveau sous le soleil.

 

1-2  L’explosion du carcan social

Mais, cette suprématie de la famille nucléaire n’a pas duré très longtemps.

D’autres modèles ont émergé, sous l’effet du basculement de la référence au groupe à la référence à l’individu. Le triomphe de cet individualisme revendiquant l’épanouissement de chacun et l’authenticité des relations a entraîné le rejet des règles traditionnelles et des conventions, ainsi que la disqualification de la morale.

La vie privée n’a dès lors plus été fixée à l’avance en fonction d’une nécessité ou d’une norme sociale. La recherche du bonheur personnel s’est mis à passer avant la soumission à un code que la société, auparavant, imposait. Le choix de se marier et de se séparer allait dorénavant relever de la conscience individuelle. Le cadre familial imposant un carcan qui écrasait les désirs et aspirations de chacun et notamment des épouses (reléguées à l’éducation des enfants et à l’entretien des foyers pour 71,4% d’entre elles encore en 1961) a craqué de toute part.

L’exigence de sincérité s’opposait au formalisme de la convention. Le libre engagement au sein du couple ne rend plus nécessaire une institution du mariage créée à l’origine pour sceller la relation de deux familles au travers de personnes qui ne s’étaient pas le plus souvent choisies : « le mariage d’amour tue le mariage ! »

D’où une crise majeure de la nuptialité : entre 1960 et 1995, les mariages sont passés de 320.000 à 255.000, les divorces de 32.600 à 124.000 et les naissances hors mariage de 6,1% à 37,6%. Plus de 4 millions de personnes (sur les 30 millions qui vivent en couple) ne sont pas mariés. Si une large majorité de la population reste attachée à la conception du mariage et de la famille nucléaire, une minorité non négligeable a pu développer ses propres formes de vie de couple et de famille, sans craindre ni l’opprobre, ni la stigmatisation encore présentes, il y a encore 20 ans.

 

1-3  Les différentes formes familiales contemporaines

Aux côtés de la cellule nucléaire père-mère-enfant se sont développées les familles néo-nucléaires (par adoption, insémination, fécondation in vitro), les familles infra-nucléaires (dites mono-parentales) ou supra-nucléaires (encore appelées recomposées) au point de rendre la famille traditionnelle de moins en moins hégémonique.

En 1994, on comptabilisait 82,8 % des enfants de 0 à 18 ans vivant avec leurs deux parents. La vie familiale traditionnelle reste donc bien le cadre dans lequel évolue la plupart des mineurs.

On compte néanmoins 11,5% d’entre eux qui vivent avec l’un seulement de leurs deux parents (10,7% avec la mère et 0,8% avec le père) : ce sont les familles dites monoparentales.

Pour 4,6% autres, le mode d’existence se déroule avec l’un des deux parents et son nouveau conjoint : ce sont les familles dites recomposées.

Enfin, pour 1,1%  de l’ensemble, soit  quand même 132.000 mineurs, ils ne vivent avec aucun des deux parents : ce sont, entre autre, les situations de placements en famille d’accueil ou en internat éducatif. 

Sur 11.684.000 mineurs de moins de 18 ans, cela fait quand même plus de 2,1 millions qui grandissent dans des conditions non traditionnelles.

Mais voilà que les familles monoparentales et recomposées sont à peine intégrées au paysage quotidien que déjà perce un nouveau chamboulement sous la forme de ces familles homoparentales constituées de couples homosexuels gays ou lesbiens qui accueillent des enfants et les élèvent au quotidien.

Cette nouvelle modalité familiale n’est pas sans poser questions. Elle interroge surtout la fonction parentale : être parent va bien au-delà de la procréation, mais aussi du fait d’être femme ou homme. C’est savoir alterner (ou se partager) les fonctions de protection et de sanction, de congruence et de sévérité, d’affection et de rappel à la loi.

Rester la question de fond : est-il vraiment possible d’avoir deux papas ? « On dit : un homme peut avoir deux fils. Il ne saurait avoir deux pères. En vérité, ne suffit-il pas pour avoir deux pères que l’on soit engendré par l’un et adopté par l’autre. » L’auteur de cette affirmation n’est pas un révolutionnaire échevelé ne rêvant qu’à une chose : l’effondrement du vieux monde et de ses traditions. Ce n’est pas non plus un réformateur du droit en avance sur son temps. Cette réflexion de bon sens, on la doit à Saint Augustin (sermon 51 de la double généalogie de Jésus Christ) !

Bousculée de tous les côtés, la famille montre une étonnante capacité d’adaptation, un dynamisme hors du commun, résistant à toutes les révolutions. Contesté mais finalement plébiscité, la pertinence de ce mode du vivre ensemble n’est peut-être pas dans sa constance ni dans son immuabilité, mais au contraire dans sa capacité à répondre avec souplesse et intelligence aux circonvolutions que connaît l’organisation et l’histoire humaines.

 

2- Qu’est-ce qu’être parent ?

L’évolution actuelle de la famille démontre ce qu’affirmait Irène Théry : « la société considère qu’il existe une contrepartie très forte à la liberté accrue du couple : l’obligation corrélative pour chacun des deux parents de maintenir sa responsabilité à l’égard de l’enfant et de respecter et encourager celle de l’autre. » 

Il apparaît donc que l’indissolubilité du mariage, en disparaissant, a laissé la place à l’indissolubilité de la filiation, tout adulte devant continuer, quelques soient les circonstances, à assumer ses responsabilités parentales tout d’abord, éducatives ensuite auprès de l’enfant auprès de qui il s’est engagé.

Finalement, ce qui compte, c’est que l’enfant se voit garantir, quelque soit la forme des familles au sein desquelles il est élevé, les conditions d’affection, de soins et d’équilibre nécessaires à son épanouissement. 

 

2-1 La parentalité

D’où l’émergence de la notion de parentalité, néologisme introduit pour la première fois, en 1961 par le psychanalyste Paul Racamier  pour évoquer la crise psychique entraînée par la naissance d’un enfant.

Ce terme a, depuis, connu un succès tel qu’il a été accommodé à toutes les sauces : on parle nous l’avons vu de monoparentalité (parent seul élevant son enfant), de pluriparentalité (familles recomposées), d’homoparentalité (parents du même sexe élevant leur(s) enfant(s)), de co-parentalité (dans le champ du divorce), mais aussi de dysparentalité (dysfonctionnements de la fonction parentale), d’a-parentalité (grandes difficultés à entrer dans la fonction), de parentalité partielle (exercice de la fonction limité dans le temps ou sur certains aspects).

Cette évolution sémantique  est directement issue du passage d’un modèle familial unique à la reconnaissance de la diversité des situations : il n’y a pas, en fait, une mais plusieurs façons d’être parents.

La fin des certitudes en la matière a eu aussi pour effet d’inquiéter sur les effets de cette métamorphose.

On a vu dans ces transformations la source de la montée de la délinquance, de la démission des parents, voire d’une parentification des enfants. Ces derniers se verraient confier des attributs qui étaient jusqu’alors de la responsabilité des adultes : pouvoir de décision,  pouvoir de s’opposer, pouvoir d’agir à leur guise. Ce sentiment est largement partagé puisqu’un sondage de l’IFOP réalisé en 1997 révélait que 75% des Français estimaient que les parents assurent mal leurs responsabilités, et que 85%  d’entre eux étaient favorables à des sanctions si ceux-ci manquaient à leur obligation.

D’où une situation paradoxale : l’évolution qui aurait pu permettre un élargissement de nos perceptions dans l’art et la manière d’être parent, est aussi celle qui débouchait sur un nouveau prétexte à la disqualification des familles.

Car, cette remise en cause du rôle éducatif des parents est déjà ancienne : « la famille n’est pas toujours à la hauteur de ces tâches ; elle n’es pas une valeur indéfectible et avoir de mauvais parents est plus nocif à l’enfant que de ne pas en avoir du tout ... En des temps préoccupés par l’accroissement de la criminalité juvénile et envahis de multiples peurs sociales, il n’y a pas d’autres solutions pour mettre un terme à une malsaine reproduction sociale que de couper les liens entre les géniteurs dangereux et une progéniture qu’ils ne sont pas capables d’éduquer et de transformer en citoyens conscients et paisibles » affirmait Jules Simon, professeur d’économie politique en ... 1889 !

 

2-2  Est-il naturel d’aimer son enfant ?

Il faut faire justice de ce dénigrement systématisé. Le psychologue Gérard poussin affirmait qu’on ne naît pas parents, mais qu’on le devient.

Contrairement à une conviction profondément ancrée dans une société qui a transformé l’enfant en valeur absolue, les rapports intra familiaux et notamment le lien parents-enfant n’a absolument aucune raison d’échapper à l’ambivalence fondamentale qui gît au sein de tout un chacun.

On a pu essayer de faire accroire à un instinct maternel qui serait au fondement de la nature féminine. La maternité a longtemps été opposée aux femmes comme étant la raison d’être de leur existence, culpabilisant celles qui ne sentaient en elles l’appétence nécessaire au contact avec des enfants. On sait aujourd’hui qu’il s’agit là d’une pure construction culturelle : l’altruisme le sacrifice naturel au profit de  sa progéniture ne sont que des stéréotypes.

Dans un livre passionnant paru en 2002, Sarah Blaffer Hrdy explique que contrairement aux singes femelles capables de continuer à porter pendant des jours le corps en décomposition de leur petit décédé, les mères humaines ont fait preuve tout au long de l’histoire d’une sollicitude bien plus discriminante.

Ainsi, certaines cultures soumettaient les bébés à des tests de viabilité (en les trempant dans des bains glacés) ou catégorisaient les enfants malades comme autre chose qu’un humain (un imposteur laissé par des lutins à la place des enfants en bonne santé) qu’on pouvait alors délaisser et laisser mourir. Elle émet l’hypothèse que l’apparence potelée de l’enfant à la naissance étant le meilleur prédicteur de sa santé ultérieure, elle aurait incité les parents à favoriser les bébés qui étaient dotés de cette particularité, d’où la généralisation par sélection naturelle de cette caractéristique. A l’issue de sa longue étude à la fois historique et ethnologique, Sarah Blaffer Hrdy aboutit à une terrible conclusion : d’une façon générale, les mères tuent d’autant plus facilement leurs enfants qu’il n’existe pas d’autres formes de contraception et qu’elles sont confrontées à l’absence de toute possibilité de relais et de délégation des soins à de tierce personne.

On comprendra dès lors que toute tentative pour naturaliser le rapport parent-enfant constitue un leurre dangereux.

 
2-3 Un art difficile

La tâche éducative est ardue.

Sa mise en oeuvre tient autant de la tendance adulte à nourrir et à protéger les plus jeunes qu’à l’intériorisation des soins reçus dans l’enfance.

Elle se heurte à des obstacles redoutables.

Le premier d’entre eux est bien celui des spécialistes de l’enfance. Les tâches d’instruction, de soins, de garde et de loisirs ont progressivement été prises en charge par des professionnels : école, PMI, centres aérés, colonies de vacance, clubs sportifs… Ces relais, en revendiquant leur qualification, se sont substitués aux compétences initialement attribuées aux familles. Il semble il y avoir toujours quelqu’un qui apparaît mieux placé et plus capable de faire en lieu et place des  parents. S’il est difficile d’affirmer que ceux-ci ont « démissionné », on peut affirmer qu’ils ont été largement démissionnés par les professionnels.

Le deuxième obstacle relève de l’ambiguïté même de l’éducation. Le temps des certitudes étant révolu, tous nos repères pour être des « parents acceptables » (pour reprendre l ‘expression de Bettelheim) peuvent être questionnés. Il existe de moins en moins de conseils fiables et de repères incontournables. Il revient à chacun de construire  sa propre représentation de ce que c’est qu’être parent « suffisamment bon » à partir de la panoplie d’attitudes qui sont proposées.  Face à cette multiplicité, y a-t-il place pour une tentative de synthèse ? Peut-on définir les configurations familiales qui pourraient être les plus à mêmes de fournir un cadre structurant pour le développement de l’enfant ?

 
2-4 Les trois axes de la parentalité

C’est pour répondre à ces interrogations, qu’à la demande du ministère des affaires sociale, un groupe de travail s’est réuni sous la direction de Didier Houzel.

Les résultats de ses investigations, présentés dans un petit livre, proposent une projection de la parentalité à partir de trois axes totalement imbriqués.

Le premier axe est celui de l’exercice de la parentalité. Ce sont les droits et les devoirs dont est dépositaire tout parent et qui l’investissent d’une obligation de choix, de surveillance et de protection quant à l’éducation et à la santé de leur enfant. Les dysfonctionnements interviennent soit par excès (rigidités dans des exigences qui sont disproportionnées par rapport à l’âge de l’enfant), soit par défaut (difficultés à assumer l’autorité, incitations à des comportements asociaux, discontinuité des liens).

Le second axe concerne l’expérience de la parentalité : il s’agit, du ressenti, de l’éprouvé, du vécu, de toute la dimension psychique subjective. Là aussi des excès peuvent se manifester soit en trop (fusion, emprise, confusion intergénérationnelle ...), soit en moins (rejet, déception, sentiment d’être persécuté par l’enfant, maltraitance ...).

Dernier axe, celui de la pratique. C’est la mise en oeuvre des soins parentaux et des interactions : tâches d’ordre domestique (repas, entretien du linge...), technique (réparations courantes, aménagement des lieux ...), de garde (surveillance, présence auprès de l’enfant ...), d’élevage (nourrir, laver, soigner, consoler ...) d’éducation et de socialisation (acquisition de comportements sociaux, stimulation dans les apprentissages ...). Là encore des écarts dangereux pour l’enfant peuvent se manifester, soit par excès (surprotection, suralimentation, hyper stimulation et forcing au niveau des apprentissages) soit par défaut (carence dans l’hygiène ou l’alimentation, logement non pensé pour l’enfant, enfant livré à lui-même, absence de suivi médical, manque de stimulation ...). 

L’identification de la parentalité à une dynamique complexe a amené à rechercher les domaines d’implication des compétences qui y étaient rattachées. C’est bien à partir de cette démarche, que la juste place des parents peut être reconnue, à la fois dans son ampleur et dans ses limites. Jusqu’à une période récente la légitimité de la famille était peu contestée. L’autorité du père sur sa femme et ses enfants allait de soi. Les adultes avaient raison face aux enfants, parce qu’ils étaient adultes. Un tel scénario est aujourd’hui difficilement tenable. L’autorité ne peut plus être verticale (logique hiérarchique) mais elle ne peut pas non plus être seulement horizontale (logique du consensus). Elle ne trouvera de légitimité qu’en combinant les deux et en sachant articuler le temps de la négociation et celui de l’imposition.


 
Jacques Trémintin – Janvier 2007