Signalement et articulation partenariale

Avant le signalement

La maltraitance est susceptible de soulever les passions et d’aveugler les esprits les plus éclairés.
Elle mobilise des flux d’affects douloureux et de nombreuses émotions contradictoires, des flots de représentations conscientes et inconscientes qui peuvent réactualiser des conflits et ébranler des refoulements : fascination, vide, rejet, refus, colère, dégoût, angoisse, pitié… se bousculent tour à tour.
La réaction induite correspond à la même quête : faire en sorte que ce qui a été entrevu n’existe plus, voire n’aie jamais existé.
Cela peut se manifester sous forme de passivité : il y a quelques chose de profondément dérangeant et angoissant à penser la mauvaise mère, le mauvais père, les mauvais parents, à réveiller les démons endormis.
Mais cela peut aussi provoquer un activisme qui résulte de l’urgence à maîtriser ce qui échappe à l’entendement au pensable, dans le registre de l’identification à l’agressé, mais en projetant sur l’enfant ses propres réactions de révolte.

Pendant le signalement

Cet acte intervient quand l’accumulation des pressentiments et le faisceau des indices aboutissent à une véritable suspicion de danger, mais aussi après une longue réflexion déchirée entre le devoir et le doute.
Signaler, c’est aussi accepter de se dessaisir, de transmettre à un tiers le soin de poursuivre l’action qu’on a soi-même initiée, de passer le relais à un partenaire, sans que l’on sache comment il va lui-même mettre en œuvre.
Le réflexe de protection provoqué par la maltraitance active un besoin de réparation et d’identification à la victime qui rend douloureux ce transfert de responsabilité.
Pèse sur cette transmission la méconnaissance réciproque entre professionnels.
Il est alors essentiel de rappeler qu’il n’y a pas de service au-dessus d’un autre, ni de professionnels plus compétents que d’autres.
Chacun doit intervenir à son niveau et s’articuler aux autres considérés non comme concurrentiels mais complémentaires.

Après le signalement

Le protocole qui suppose un enchaînement de la révélation, de la transmission à la justice, de la sanction judiciaire, des soins psychologiques et de l’amélioration de l’état de l’enfant, reste trop souvent théorique.
Le plus souvent, le cheminement de la petite victime ressemble à un parcours du combattant.
On peut distinguer entre les réactions très tardives et celles qui sont précipitées qui démontrent que chaque niveau d’intervention a sa propre conception du temps : temps judiciaire, temps de l’enfant, temps de l’intervenant social, temps de l’intervenant psychologue.
Construire le parcours de l’enfant nécessite aussi de reconnaître, de valider et d’articuler ces différents temps qui se superposent parfois, mais qui doivent être distingués.

 

Jacques Trémintin - Avril 2006