FRANCAS - 2000 - La médiation

La médiation : un nouvel outil d’intervention sociale

Depuis quelques années, la médiation s’infiltre par tous les pores de notre société.
Depuis la création en 1973 du Médiateur de la République, cet outil semble avoir séduit et inspiré les acteurs du social : médiation pénale, médiation familiale, médiation sociale, médiateurs de rue (« correspondants ») etc …
Qu’est-ce qui préside à l’émergence de cette forme d’intervention sociale ?
Pour le comprendre et avant de l’expliciter, il faut peut-être se pencher sur ce qui pourrait être une véritable mutation du mode de pensée, certes encore minoritaire, mais qui ne demande qu’à progresser.

 

1- Pensée binaire & dialectique

La pensée occidentale trouve les fondements de son développement dans l’antiquité grecque.
Ainsi, au IV ème siècle avant J.C. le philosophe Aristote définit les principes de la logique.
Le principe d’identité d’abord : une chose ou un être est ce qu’il est (A est A).
Le principe de non-contradiction ensuite : une chose ou un être ne peut être le contraire de ce qu’il est (A ne peut être non-A).
Ce mode de raisonnement a été conforté par la tradition judéo-chrétienne qui divise le monde entre le Bien le Mal.
La doctrine manichéenne qui s’est répandue de l’Espagne à la Chine dès le troisième siècle n’a fait que renforcer cette approche de la réalité.
C’est blanc ou c’est noir. Une position est vraie ou fausse. Une attitude est juste ou injuste. On est coupable ou innocent. 
Dans le secteur social, on retrouve aussi cette méthode de pensée qui consiste à limiter le monde à un fonctionnement binaire : pour ou contre, oui ou non, 0 ou 1.

Ainsi, de ces familles  jugées autrefois à ce point pathologiques qu’on n’avait de cesse que de leur enlever leurs enfants pour les placer bien loin de leur mauvaise influence. Aujourd’hui, c’est l’idéologie inverse qui s’impose parfois : « hors de la famille, point de salut » ou encore «la plus mauvaise des familles vaudra toujours mieux que le meilleur des placements ».  La famille est soit bonne, soit mauvaise.
Il en va de même du concept des droits de l’enfant auquel certains opposent l’autorité parentale comme si l’un était exclusif de l’autre. Prôner ces droits, ce serait assurément déstabiliser les parents ou encourager leur démission. Il faudrait choisir soit défendre la place des parents soit celle des enfants.
Mais aussi, cette conviction qui, il n’y a pas si longtemps, emportait les intervenants psychosociaux sur les allégations d’enfants victimes d’abus sexuels. Il ne s’agissait soit disant que de fantasmes liés au complexe d’œdipe. Il fallait alors être bien naïf pour les croire.  Aujourd’hui, ces propos sont devenus paroles d’évangile. Rester prudent dans certains cas, comme ceux de couples divorcés c’est porter le discrédit sur la parole de l’enfant. Soit l’enfant dit la vérité, soit il affabule.
Ce n’est pas compliqué : si on n’est pas dans un camp, on est dans un autre.
Tout un chacun s’en aperçoit dans son quotidien : la réalité ne se laisse pas contenir dans des enveloppes si étroites. Entre le blanc et le noir existe toute une palette de nuances qu’il est utile d’essayer d’identifier afin de répondre au mieux aux situations que nous vivons.

La Grèce antique nous a laissé un riche héritage qui ne se limite pas à Aristote. De nombreux autres philosophes ont proposé d’autres systèmes de pensée.
Parmi ceux-là Héraclite, que l’on présente couramment comme le père de la dialectique affirmait : « rien n’est immobile ; tout coule ; on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, car il n’est jamais en deux instants successifs le même : d’un instant à l’autre, il a changé ; il est devenu autre ». La réalité doit être abordée d’une façon dynamique dans son évolution et son mouvement et non d’une manière figée et isolée. Il n’y a rien que l’on puisse considérer comme définitif, absolu ou sacré. Rien n’est immuable : le monde n’est pas un complexe de choses achevées, mais un processus compliqué, en mouvement permanent au cours duquel faits et idées sont en interaction les uns avec les autres.
Le principe d’identité d’Aristote ne se vérifie pas au quotidien. Il suffit que quelques minutes s’écoulent et on n’est déjà plus comme on était auparavant, on a vieilli, notre pensée a évolué. 
Le principe de non-contradiction est aussi peu efficient. La contradiction n’est pas un frein mais un moteur interne à l’évolution. Des contraires peuvent très bien se transformer l’un dans l’autre. Qui plus est, ils sont contenus l’un dans l’autre. La vie ne peut exister que parce que des cellules meurent et sont remplacées par des cellules jeunes. La mort, elle-même, n’est pas tout à fait la fin de la vie, puisque pendant de nombreuses semaines cheveux et ongles vont continuer à pousser.
L’ambivalence que l’on retrouve chez chacun d’entre nous (travailleurs sociaux, psys ou usagers), montre les forces qui s’agitent, l’une pour affirmer, l’autre plus dans la négation. L’unité des contraires nous habitent tous. Ne voir que l’un ou l’autre qui à un moment s’impose, c’est prendre le plus court chemin pour ne pas comprendre quand il y a transformation en son contraire. A force d’être contre, on est tout contre et parfois on bascule dans ce à quoi on s’opposait.

 

 

2- La médiation comme illustration de la dialectique

Que se passe-t-il dans la démarche de médiation ?

La médiation refuse d’opposer stérilement deux contraires en prétendant vouloir trancher pour l’un ou pour l’autre. Chacun n’est pas tout à fait ce qu’il est et possède en lui suffisamment de contraire pour se transformer et adopter une position tierce qui convienne à chaque partie, même si ce n’était ni son désir du départ, ni l’objectif forcément projeté à l’origine. La négociation, l’échange a fait bouger, a fait évoluer les choses.
Etre en conflit est inhérent à l’être humain. L’agressivité est une force de vie. Tout individu a la capacité de se transformer en sortant de sa confusion et en retrouvant une liberté d’action constructive. Ce sont là trois concepts de base qui fondent la raison d’être de l’esprit de la médiation. Tout homme est animé par le désir. Quand ce désir va dans le même sens que celui de l’autre, c’est l’harmonie. Quand ce n’est pas le cas, il y a conflit.
Depuis toujours, la société a eu recours, pour concilier, arbitrer, prévenir et gérer les conflits, aux médiateurs qu’ils soient spontanés ou institutionnels (sages ou anciens du village). Puis, progressivement l’Etat-providence s’est approprié la fonction de médiation.

Mais, à l’heure où un certain nombre de dysfonctionnements encombre notre société (banalisation des agressions, atomisation du lien social, développement de la précarité et de l’exclusion), les lieux de régulation sont submergés par l’inflation des saisines.  L‘interventionnisme étatique a ainsi participé à la dissolution des solidarités primaires et par voie de conséquence à la désagrégation de ces structures intermédiaires. Cette situation explique que pour bon nombre de conflits qui étaient autrefois régulés au sein de la famille ou du quartier, les seuls interlocuteurs soient la police, la justice ou les travailleurs sociaux. 

On assiste depuis quelques années à un renouveau de la médiation comme outil de régulation sociale. La pratique nous vient d’outre Atlantique. Elle correspond bien au modèle juridique anglo-saxon qui ignore les codes et la loi écrite au profit de la jurisprudence et de la négociation. Notre propre tradition latine se prête moins bien au processus de déconstruction/reconstruction qu’implique les mécanismes de la médiation.
Cette nouvelle pratique n’a pas pour ambition de répondre aux ratés du système, mais de proposer un nouveau modèle de régulation sociale et de rapport entre l’Etat et la société civile basé sur la décentralisation, la déjudiciarisation et la déprofessionnalisation. Il ne s’agit pas de privatiser la gestion des conflits, mais de réhabiliter des instances susceptibles de favoriser le dépassement des  litiges et de favoriser un  mode de résolution non-violent et une restauration du lien de confiance entre les protagonistes.

 

 

3- La médiation familiale

Le divorce a été institué en 1792 en même temps que le mariage civil.
La Restauration le supprime en 1816. Il ne réapparaîtra qu’en 1884 mais uniquement pour fautes. Jamais aucun texte ne proposera une législation aussi avancée que celle votée par les Conventionnels.
Ce n’est qu’en 1975 que la séparation par consentement mutuel deviendra à nouveau possible. Près de 25 ans après son adoption, ce mode séparation continue à faire jeu égal (42 %) avec le divorce pour faute (43%).
On évalue aujourd’hui à 1 sur 2 la proportion de couples qui se sépare en région parisienne et 1 sur 3 en province. Certains reforment une nouvelle union, d’autres non. La moitié des enfants concernés ne revoient plus le parent chez qui ils ne sont pas hébergés. De fait, on est passé entre 1968 et 1997, de 200.000 à 1.600.000 familles monoparentales.

Ces évolutions ont  directement influencé le droit familial : s’est imposée la notion de co-reponsabilité parentale avec la loi Malhuret (en 1987) et la réforme fondamentale de 1993 qui a fait passer le partage de l’autorité parentale de l’exception à la règle et son attribution exclusive à l’un des parents de la règle à l’exception.
Toute rupture familiale implique donc la nécessaire reconstruction des rôles parentaux. La meilleure façon d’y parvenir n’était pas forcément de s’enfermer dans une logique de camps retranchés avec les enfants enrôlés à leur corps défendant dans une stratégie de rapport de force qui les dépasse.

Emerge alors une expérience tout à fait innovante dont les précurseurs se trouvent chez nos cousins québécois : la médiation familiale. Cette approche des conflits de couple a gagné la France en 1988. C’est en Février1995, que la loi a officialisé son action.
Peut-être est-il plus simple de commencer par préciser ce que cette approche n’est pas avant d’indiquer plus positivement ce qu’elle est.
La médiation n’est pas une action éducative : elle ne prend pas partie sur les modalités éducatives de la famille. Ce n’est pas l’objet de son intervention.
La médiation ne peut être confondue non plus avec l’action de l’avocat : elle ne défend pas les intérêts de l’une ou de l’autre des parties en présence.
La médiation se distingue aussi du rôle du juge : en aucun cas, elle ne peut décider, imposer ou trancher dans le conflit matrimonial.
La médiation ne marche pas non plus sur les plates-bandes du thérapeute familial : elle ne se fixe pas pour objectif d’élucider les interactions au sein de la famille afin de permettre à ses membres d’aller mieux.
La médiation n’est pas identifiable à l’action d’une assistante sociale puisqu’elle ne s’inscrit pas dans la continuité et limite l’objet de son intervention.

Qu’est-elle donc alors ?

On se situe bien là dans une logique qui relève ni du consensuel (nier les conflits), ni du rapport de force (les exacerber), mais bien de la capacité à se déprendre de sa propre représentation pour écouter celle de l’autre. La médiation se propose d’aménager un espace où les points de vue vont s’échanger, où  les règles familiales vont se renégocier, où les frontières vont être redéfinies et ce dans un esprit d’autodétermination où ce sont les acteurs qui élaborent leurs propres solutions. Il faut, on se l’imagine, au médiateur, tout le savoir-faire du professionnel de la relation pour accompagner ce cheminement, reformuler de façon positive les propos parfois agressifs des uns et des autres, modérer et réguler la communication. Mais aussi habile soit-il, il ne peut faire de miracle. Son action n’est possible que si la décision de séparation a déjà été prise, que si les deux conjoints sont volontaires et si la garantie de confidentialité des entretiens permette la relation de confiance.

La médiation propose donc un espace privilégié où les couples se séparant peuvent bénéficier de l’aide d’une tierce personne. Il s’agit de permettre à la communication et à l’information de se rétablir afin d’aboutir à la recherche de solutions satisfaisantes pour tout le monde en proposant l’aide d’un tiers neutre, impartial et compétent, qui vise à rétablir un minimum de communication et, par un processus structuré qui demande du temps, amène les parties en présence à rechercher et définir elles-mêmes les accords mutuellement satisfaisants. 

Comment cela se déroule-t-il concrètement ?

On distingue clairement trois phases :
Première étape : vérification de la décision de divorce. Il s’agit ici de vérifier la volonté de se séparer et les moyens financiers le permettant. Le rétablissement du dialogue permet parfois de trouver d’autres solutions. Nous sommes bien là dans une phase d’aide à la décision.
Seconde étape : l’établissement du contrat de médiation. Sont listés tant les accords que les désaccords. Puis intervient la négociation qui va porter sur deux domaines. Ce sont tout d’abord les responsabilités financières : liquidation des biens, mais aussi et surtout répartition des contributions à l’éducation des enfants.       
Troisième étape : rédaction du projet d’entente. Ce document est soumis à chaque partie, il peut être modifié avec souplesse avec l’accord de l’un et de l’autre. Cette convention peut être homologuée par le JAF mais ce n’est pas obligatoire. Une fois que le couple a approuvé l’entente, ses modalités en sont présentées aux enfants qui prennent ainsi connaissance de la façon dont la vie va s’organiser pour eux. Ils ne sont consultés qu’à la fin afin d’éviter pour eux autant que possible les conflits de loyauté, le médiateur mettant l’accent tout au long de la procédure sur la nécessité d’agir dans leur intérêt.

La médiation n’est  pas une panacée : certains couples ont besoin d’autres types de réponses. D’autres ne sont pas prêts, sont trop procéduriers ou encore sont trop encombrés par la charge émotionnelle ou un état dépressif. S’ils ne respectent pas les engagements pris, la médiation peut s’arrêter, pour reprendre quelques temps après éventuellement. Mais elle reste toujours une option qui ne peut être imposée. Si elle échoue, les interlocuteurs traditionnels (avocat et JAF) sont là pour prendre le relais.

La médiation s’étend en général sur 6 ou 7 entretiens (dans les cas les plus lourds, cela peut aller jusqu’à 11 séances). L’objectif étant bien d’apprendre au couple séparé à gérer ses conflits et à tenir compte des intérêts de l’autre, toute prolongation est le signe de l’échec de la procédure.

 

4- La médiation pénale

L’institution judiciaire n’est pas immuable.
Elle subit les critiques et s’adapte aux évolutions du temps.
Depuis le début des années 80, toute une série d’accusations et de mutations se sont fait jour.
C’est d’abord la contestation de son efficacité tant du point de vue sécuritaire (pas assez répressive), qu’au contraire pour son côté incitatif (le taux de délinquance augmenterait proportionnellement à l’importance de son activité).
C’est ensuite l’apparition sur la scène judiciaire des victimes qui réclament réparation.
C’est encore le renouveau de la revendication du rôle de la communauté dans le processus de résolution des conflits.
Sans oublier l’engorgement des tribunaux que n’évitent pas les classements sans suite des parquets passés de 1831 à nos jours de 30 à 80% (ce qui signifie que seules 2 plaintes sur 10  sont traitées).
Autre tendance forte, la montée à la fois du sentiment d’insécurité et à la fois de la demande assurancielle et réparatrice (le citoyen exigeant d’être protégé et indemnisé face à tous les risques).
C’est dans ce contexte qu’est apparue la réponse pénale conciliatoire sous la forme de la médiation. Envisagée dès 1982, c’est en 1993 que la législation a officialisé le dispositif.
La médiation pénale se fixe trois  objectifs : protéger les intérêts de la victime, rétablir l’ordre public et assurer le reclassement de l’auteur de l’infraction.
Ce qui est visé, c’est bien d’obtenir une réparation qu’elle soit financière, matérielle ou symbolique qui favorise la reconstruction du lien social mis à mal par la nuisance.
La victime se sent alors reconnue dans le préjudice qu’elle a subi et l’auteur de l’infraction est réinscrit dans la logique du contrat social qu’il a préalablement violée.

La rencontre entre la victime et l’auteur de l’infraction est ordonnée par le juge. Si elle n’aboutit pas, l’action publique peut être relancée. Si elle débouche sur une réparation financière, matérielle ou symbolique, l’affaire est classée. L’auteur doit pour cela assumer la responsabilité de ses actes. Mais ce n’est pas suffisant : encore faut-il qu’il ne minimise pas le mal causé ou qu’il ne nie pas la situation difficile de la victime. Le risque est grand sinon qu’il ne s’engage pas sincèrement dans la procédure.
Le succès de la démarche dépend aussi des qualités professionnelles du médiateur qui doit faire preuve de compétence, d’indépendance et d’impartialité, ce qui implique un haut degré de technicité.
La médiation pénale est proposée dans la plupart  des tribunaux par des associations qui se sont fédérées à l’INAVEM (Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation) et au CLCJ (Comité de Liaison des associations socio-éducatives de Contrôle Judiciaire).

 

5- La médiation sociale

Quant à la médiation sociale, elle ne cherche pas à fuir la relation conflictuelle entre les populations en difficulté et le reste de la société, mais cherche, tout au contraire, à recréer un lien dynamique entre ces deux pôles.
Cela passe par le repositionnement des premières en situation d’actrices de leur changement et de la mobilisation de l’environnement pour qu’il change le regard qu’il porte sur elles.
Le processus d’insertion n’est pas alors relié à l’unique focalisation stigmatisante sur les difficultés des exclus mais sur les dysfonctionnements qui amènent les uns à s’éloigner et les autres à les rejeter.

La crise qui atteint notre société constitue une rupture-mutation en profondeur qui concerne avant tout des dimensions socio-culturelles. L’effondrement des cadres à la fois mentaux de référence et sociaux d’appartenance a provoqué une dissolution du lien social. Car les formes de crise du lien social pour préoccupantes qu’elles soient, traduisent avant tout une souffrance psychique et sociale envahissante. Plutôt que d’y voir une inadaptation, ne faut-il pas au contraire les identifier à une suradaptation aux conditions de la réalité ? La médiation sociale intègre alors le conflit et la dynamique conflictuelle comme un vecteur essentiel de socialisation.

Reconnaître et aider à résoudre les dissensions permet alors d’affirmer la citoyenneté.

Cette réalité impose aux intervenants sociaux une mutation de leurs modalités d’action. Le modèle psycho-social qui cherche l’origine de l’inadaptation dans une soit-disante pathologie individuelle n’est plus à cet effet efficiente. Ces transformations de la pratique professionnelle n’impliquent pas de faire appel à de nouveaux professionnels. Les métiers traditionnels doivent laisser de côté leur « boite à outil » pour agir en « accoucheur d’hommes ». Il leur faut intervenir dans une logique maïeutique : accompagner le jeune pour lui permettre d’advenir à lui-même, d’élaborer progressivement une demande sociale en tant non pas de tiers-écran mais de tiers-facilitateur, et se retirer progressivement au fur et à mesure où il y arrive. Il faut pour cela que le professionnel soit en capacité de s’adapter à des situations multiples, inédites et fluctuantes. Il ne s’agit pas ici d’attendre que l’usager fasse la démarche vers l’intervenant mais que celui-ci aille vers lui. A chaque fois, l’intervenant agit en tant que tiers-neutre, impartial et compétent visant à rétablir un minimum de communication. Technicien de la relation, il maîtrise les méthodes de résolution des conflits et agit dans une perspective maïeutique « d’accoucheur d’hommes ». Il cherche avant tout à permettre aux diverses parties en présence de se comprendre et de définir elles-mêmes les accords mutuellement satisfaisants. Prototype de nouveau travailleur social ? En tout cas, la démarche philosophique qui s’impose à lui passe par la capacité à s’interroger sur soi-même, à réfléchir sur son rapport à l’autre et enfin à connaître et à comprendre l’autre. Et ce, non dans une perspective de chercher qui a tort, mais bien comment on peut faire en sorte de vivre malgré tout ensemble.

On retrouve là finalement la version moderne des vieilles traditions africaines des palabres interminables où ce dont il s’agit ce n’est pas de trancher, mais de chercher au cours de longues discussions à aboutir à un consensus et à une unanimité. Si notre culture ne nous permet pas de fonctionner dans cette logique,  le médiateur n’en apparaît pas moins comme animé du désir de mettre les protagonistes d’accord.

 

Vers une nouvelle pratique sociale ?

Avec cette nouvelle méthodologie de résolution des problèmes et des conflits, on aborde une autre planète.
Tout doucement, ces principes s’instillent et sont confrontés à la pratique du terrain. Ils provoquent des résistances, des doutes, des critiques. La théorie est là pour servir de support et de grille d’interprétation à la réalité que nous essayons de décoder.
Trop souvent, on cherche plus ou moins consciemment à enfermer les faits dans les cases et les tiroirs des schémas préétablis : il faut à tout prix les faire coller, sinon, on les rejette ou on les ignore. La médiation ne constitue pas la nouvelle méthode révolutionnaire susceptible de venir régler toutes les difficultés.
Elle vient prendre sa place aux côtés des autres approches et doit à ce titre ni vouloir s’imposer ni être exclue, mais doit pouvoir connaître les expérimentations qui permettront d’en définir la portée et les limites.

 

Jacques Trémintin - Mai 2000

 

Bibliographie

►     « La médiation, essai de politique pénale » Jacques Faget, érès, 1997, (210 p)
►     « Médiation familiale, regards croisés et perspectives » Annie Babu et all, érès, 1997, (272 p)
►     « Nouvelles pratiques de médiation sociale, jeunes en difficultés et travailleurs sociaux » , Dominique Bondu, ESF, 1998, (219p)
►     « L’esprit de la médiation » Jacqueline Morineau, érès, 1998, (176 p.)
►     « Conflit conjugal et médiation - Transformer le conflit conjugal. De la justice à la médiation » Louis Genet, 1998, éditions Jeunesse et Droit (16 passage Gatbois 75015 Paris), (147p)
►     « Médiation et lien social » Sous la direction d’Yves Morhain, éditions Hommes & Perspectives, 1998, (198 p)