Corbet Eliane - Sessad

« Les SESSAD de demain seront de plus en plus amenés à jouer un rôle d’interface entre les usagers et les différents intervenants »

Entretien avec Éliane Corbet, Directrice technique du CREAI Rhône-Alpes

Qu’est-ce qui peut permettre de comprendre l’évolution des pratiques professionnelles au sein des SESSAD ?
Je crois que ce qui vient bousculer les habitudes de travail des équipes, c’est en tout premier lieu l’évolution des familles vers une plus grande expertise, comme le montrent tout particulièrement celles qui sont confrontées aux troubles envahissants du développement de leurs enfants et qui n’hésitent pas à interpeller les professionnels et à participer à l’élaboration des modalités d’intervention. Mais, ce qui a changé, c’est aussi la nouvelle main donnée aux usagers et à leur famille invités par la loi du 11 février 2005 qui s’intitule, je le rappelle : « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Les personnes y sont invitées à accéder à leurs droits, au travers du concept un peu ambitieux de « projet de vie ». Le projet de vie inaugure l’accès aux droits, au « plan personnalisé de compensation », celui-ci vient s’emboîter avec le « projet personnalisé d’accompagnement ». Les familles ne s’y retrouvent pas toujours très bien, dans cet ensemble complexe. Elles souhaitent exercer un rôle actif. Mais pour faire un choix éclairé, elles ont besoin de l’aide des professionnels, ne serait-ce que pour se déterminer face au menu des accompagnements possibles et aux prestations à la carte qui peuvent leur être proposées. Les professionnels des SESSAD se trouvent confrontés à une nouvelle tâche celle d’« assemblier ».

Justement, les SESSAD ne sont-ils pas confrontés au risque d’être sollicités pour intervenir à toutes les places et tous les moments de la prise en charge de l’usager et de sa famille ?
C’est effectivement ce qui est en train de se dessiner. C’est ce qui commence à être esquissé ou pratiqué dans certaines régions. En amont de toute prise en charge, les SESSAD pourraient intervenir sur demande de la MDPH afin de participer à l’évaluation de la situation de vie, avec l’usager directement concerné et sa famille, avec les partenaires chargés de lui proposer des services. Tout au long de l’accompagnement, ils pourraient servir de pôle-ressource pour des structures de droits commun, servant par exemple de conseil aux enseignants. A l’approche de la majorité, dans la période charnière des 16-20 ans, actuellement un peu négligée, ils pourraient prolonger le compagnonnage avec l’usager et assurer dans la continuité le passage de relais, en servant de passerelle avec le secteur adulte et notamment les Services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou les Services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH). On peut donc imaginer toutes le combinaisons possibles de SESSAD polyvalents ou spécialisés, exerçant des missions directes auprès des populations et/ou indirectes auprès des partenaires. Les fonctions se répartiraient alors dans le domaine de l’expertise (bilan-conseil), mais aussi sous la forme de SESSAD-ressources, voire des SESSAD-pro intervenant dans l’insertion professionnelle, auprès d’employeurs.

En quoi un fonctionnement « hors les murs » est-il propice ou au contraire nuisible à l’évolution des SESSAD ?
La pratique consistant à recevoir l’usager dans les locaux dévolus à un SESSAD n’a pas disparu. Mais, de plus en plus, ces services deviennent nomades, voire itinérants. Les intervenants sont mobiles et organisent leur tournée, en utilisant les locaux de proximité, dans le quartier même de la famille ou dans les lieux de scolarisation. Cela ne remet pas en cause la cohérence de l’équipe pluridisciplinaire qui continue à garantir le sens de l’intervention de chacun de ses membres. Mais, le fait est que l’organisation de l’activité devient souple et plastique, au plus proche des familles et des partenaires. C’est aussi cette disponibilité et cette flexibilité qui donnent la possibilité d’être dans l’accordage des compétences, dans la cohérence et le tissage des liens, permettant ainsi de réduire le contentieux potentiel entre des dispositifs construits initialement de manière totalement séparée. Les professionnels des SESSAD sont au centre de la transmission des informations. Ils sont, tout autant, potentiellement en contact avec le sanitaire, la pédopsychiatrie, la petite enfance, la PMI, les services sociaux, le secteur de l’école et le monde de la culture et des loisirs. Ils sont donc à une place idéale pour travailler à la synchronisation de tous les intervenants qui gravitent autour du projet de l’enfant. C’est déjà ce qui se fait : c’est au quotidien, que se déploient les compétences d’évaluation des situations, de conseil pour l’orientation, d’expertise des difficultés rencontrées, de ressources pour les partenaires, de coordination des intervenants, de gestion de projet, d’assemblage d’activités, de passeur de relais, d’animation dans la construction du projet et de médiation entre la famille et les différents professionnels. Il y a donc là un savoir-faire précieux qu’il s’agit de capitaliser, si nous voulons non seulement éviter de rater l’adaptation aux mutations en cours mais aussi en devenir les acteurs

Lire reportage : SESSAD ARRIA - Sautron (44)
Lire compte rendu de colloque : Les SESSAD sont-ils l’avenir du travail social ?

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°1008 ■ 03/03/2011