Accueil familial: fantasme et réalité
Cahiers de l’Actif n°274/275, mars/avril 1999, (180 p.) *
Ce numéro des « Cahiers de l’Actif » propose un tour d’horizon tout à fait intéressant de l’accueil familial. Etat des lieux, tout d’abord : sur 75.000 mineurs placés en famille d’accueil, l’Aide sociale à l’enfance en gère 80%. Les autres sont pris en charge par les associations de placement spécialisé (8.000), par les assistantes maternelles travaillant avec les établissements régis par la loi de 1975 (1.000) et enfin, celles relevant des services de psychiatrie infanto-juvénile (800 enfants). Ce type d’accueil continue à être très méconnu dans l’opinion publique qui nourrit à son égard des opinions tranchées tout autant que contradictoires. Ce serait soit des « bonnes » familles qui répareraient des enfants retirés à des parents malfaisants, soit des « Ténardiers » ne pensant qu’à l’appât du gain. Au cœur de la pratique de placement, il y a quatre acteurs. L’enfant, tout d’abord, souvent partagé dans un conflit de loyauté entre ses parents et le couple d’accueil. Second acteur, la famille d’accueil, qui peut développer des sentiments de méfiance et hésiter entre une action de substitution (remplacement de l’absence, « faire à la place de ») et une action de suppléance (logique de complémentarité, « de faire à côté de »). Troisième acteur, la famille naturelle qui nourrit des attitudes allant de l’hostilité à la parité en passant par la confusion. Vivant très mal la plupart du temps la séparation, les parents se comparent fréquemment au couple d'accueil et vont parfois jusqu'à recréer des liens parent/enfant avec les psychologues ou les travailleurs sociaux qui assurent le suivi. Dernier acteur, le service en charge de la mesure, dont l’objectif consiste bien à servir de tiers entre l’enfant et l’assistante maternelle, entre la famille d’accueil et la famille naturelle et entre l’enfant et ses parents. Il est courant de voir le placement familial suspendu à l’objectif d’un retour a priori de l’enfant dans sa famille. Si cette perspective est parfois réaliste et envisageable, il peut être difficile de confronter en permanence les parents à un modèle qu’ils devraient atteindre pour arriver à jouer pleinement leur rôle. Il est bien plus pertinent de leur permettre de développer et d’affirmer un autre type de parentalité, celle qu’ils sont en capacité de tenir et qui peut n’être que partielle. Le placement familial est une solution qui a rencontré une forte adhésion dans tous les pays européens où le taux de suppléance des 0 à 18 ans oscille entre 0,5 et 0,9%. On retrouve un peu partout le souci de permettre aux parents d’exercer leurs droits, de maintenir les liens familiaux et de promouvoir une assistance temporaire plutôt qu’à long terme. L’exemple de l’Angleterre est particulièrement intéressant en ce qu’elle s’est pendant longtemps orienté vers une logique ouvertement substitutive, favorisant la stabilité de l’enfant dans sa famille d’accueil y compris son adoption comme la loi le permet contre l’avis, voire l’opposition des parents naturels. Enfin, les différentes études sur le devenir des enfants placés démontrent la quasi disparition des mécanismes de reproduction du placement, les enfants accueillis devenant des parents adéquats.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°514 ■ 13/01/2000
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