Placer l’enfant en institution: MECS, foyers éducatifs et village d’enfants

Michel CHAPONNAIS, Dunod, 2005, 234 p.

L’internat est né du besoin ressenti par l’église de scolariser les enfants pour les soustraire à l’influence du protestantisme. Et quelle meilleure façon de veiller à sauver leur âme que de les séparer de leurs familles ? Le fonctionnement restera longtemps très collectif (repas et dortoir dans de grande salles communes) et internalisés (école, loisirs en interne avec peu d’ouverture sur l’environnement). Utilisés pour éloigner les enfants de l’influence de leurs familles, les internats seront aussi préconisés pour ceux qui n’en ont pas. Héritière de ces pratiques, l’éducation spécialisée n’attendit pas, comme on le prétend trop souvent, l’époque contemporaine pour se débarrasser de la mauvaise habitude d’éloigner les parents. Il y a près de 40 ans que la collaboration avec les familles naturelles a fait l’objet d’une pédagogie adaptée aux situations des enfants accueillis : « l’internat sera pour l’enfant séparé de sa famille un milieu suppléant et pour l’enfant privé de famille un milieu substitutif » écrivait le Docteur Mathis, en 1969. Aujourd’hui, les structures de substitution se réduisent pour l’essentiel à une poignée d’établissements conçus pour accueillir des enfants délaissés (les Villages d’enfants). L’écrasante majorité des maisons d’enfants à caractère social se fixe pour objectif de combler les défaillances passagères et provisoires des familles. Travail délicat  qui nécessite de créer les conditions de l’attachement, nécessaire à une bonne évolution des enfants accueillis, tout en évitant de les placer dans un conflit de loyauté. Les travaux sur l’hospitalisme comme les critiques portant sur les placements assimilés à des stigmatisations de la misère ont contribué à accroître le discrédit sur l’internat comme outil éducatif. On oublie trop souvent que de toutes les institutions accueillant des enfants, ce sont bien les familles qui constituent le creuset de la violence et de la maltraitance (84,4% des auteurs étant issus de la famille, contre 5,4% de professionnels). En surinvestissant la famille et en dénigrant les maisons d’enfant on se prive de la possibilité de disposer d’un lieu tiers qui permet à l’enfant de se déconnecter d’une réalité déstructurante pour mieux se reconstruire ensuite. « Le placement est une chance pour l’enfant lorsque l’institution joue pleinement son rôle protecteur et qu’elle vient faire obstacle à la toute-puissance du parents maltraitant sur son enfant » (p.169) Michel Chaponnais nous propose ici un ouvrage très riche et très complet. Il nous dresse un tableau du dispositif général tout en l’illustrant d’un exemple très concret de fonctionnement d’une maison d’enfants. Mais il ne se contente pas de présenter l’existant, il répond aussi aux arguments des anti-placements et se projette sur ce que pourrait être la maison d’enfant de demain. Assurément un ouvrage de référence.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°807 ■ 07/09/2006