Les assistants familiaux. De la formation à la professionnalisation

WEIL Claire (coordonné par), L’Harmattan, 2010, 170 p.

Que de chemin parcouru depuis ces nourrices que l’on palpait ou soupesait et dont on explorait l’anus, les parties génitales ou l’intérieur de la bouche, pour détecter une éventuelle affection syphilitique. C’était pourtant elles, les ancêtres de nos assistants familiaux contemporains dont le métier n’a cessé de se professionnaliser. Jusqu’à voir des hommes exercer une fonction qui fut longtemps conditionnée à des qualités féminines. De fait, dans la manière d’exercer leur métier, ils se montrent plutôt porteurs d’autorité, de cadre et de limites, privilégiant plus que leurs collègues femmes les sorties à l’extérieur. Les quelques cas de masculinisation montrent qu’on ne peut plus limiter ce métier à des compétences innées. La formation prend une place croissante, cherchant à ce que les assistant familiaux soient plus au clair sur les rôles assumés, plus aidés grâce aux connaissances théoriques dispensés et plus en confiance pour détecter, observer et analyser les difficultés rencontrées. Si c’est bien là l’occasion de poser les jalons d’une meilleure compréhension de la problématique de l’enfant séparé, l’opportunité d’installer de façon durable une dynamique de questionnement permanent et la possibilité d’initier des réflexions partagées, ce n’est jamais une démarche permettant d’établir des certitudes arrêtées, le supposé savoir ne devant pas glisser vers l’illusion d’une maîtrise possible. Car, le professionnalisme n’est pas seulement la capacité à prendre de la distance, en sachant parler des relations vécues, en évoquant les émotions et les sentiments éprouvés au contact quotidien de l’enfant ou en identifiant les réactions parfois ambivalentes que provoque tel ou tel parole ou comportement. C’est, aussi, l’aptitude à s’impliquer dans un engagement direct et dans une rencontre interpersonnelle qui ne peut être, à chaque fois, qu’inattendue, singulière et nouvelle. Le professionnalisme n’annule pas les affects qui ont trop longtemps été combattus, mais il leur donne un cadre pour exister. La part de sensibilité, d’affectif et de spontanéité inhérente à toute relation humaine ne se plie à aucun protocole d’accueil ou d’intégration qui voudrait formaliser, voire formater l’établissement d’un lien qui relève autant du savoir-faire que du savoir être. Il y a toujours risque de simplification et de schématisation, quand on réduit une profession à une pratique abstraite, à une moyenne ou à un idéal. Cette complémentarité entre professionnalisme et implication se retrouve dans la relation entre famille d’accueil et famille naturelle : il est dorénavant admis qu’un adulte autre que le parent puisse développer une parentalité suppléante, en assurant une continuité temporelle qui s’adapte aux rythmes et aux besoins de l’enfant.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1024 ■ 30/06/2011