Dans l'enfer des foyers

L. Lyes, Ed. Flammarion, 2014, 259 p.

Bigre ! Les foyers de la protection de l'enfance ne seraient-ils donc que des lieux maudits où l'on souffre éternellement ? C'est en tout cas ce que laisse entendre le témoignage de Lyes. Le récit de son parcours ne laisse apparaître que deux exceptions au chaos de son enfance et de son adolescence. Sa première famille d'accueil, tout d'abord, qui lui apporte la tendresse et l'amour dont a besoin tout petit enfant. L'ASE refuse qu'il la suive lors d'un déménagement dans le sud, privilégiant le maintien du lien avec sa mère. Aujourd'hui, il le regrette. Il est toujours plus facile, a posteriori, de faire les bons choix. S'il avait suivi cette famille, qui sait s'il ne reprocherait pas aujourd'hui qu'on l'ait éloigné de son parent ? Et puis, il y a sa dernière assistante maternelle qui l'accompagne jusqu'à l'âge adulte, en réussissant à lui apporter une affection, là aussi apaisante et stucturante. Entre ces deux accueils, une succession de placements plus catastrophiques les uns que les autres, dont il dénonce le caractère maltraitant. A la fois cause et conséquence de ces épreuves, Lyes « s'est hérissé et s'est mis à déchirer tout ce qui passait. Oui, je suis devenu coupant et sauvage » (p.107). Écorché vif, il explose tous les cadres posés, que ce soit ceux de l'école ou des différents lieux de placement qui se succèdent. Rien de plus respectable que le témoignage de ce jeune homme qui décrit ce qu'il a vécu, même si peu de professionnels y retrouveront leur quotidien. Notons, quand même, que tous les éducateurs spécialisés qu'il a croisés ne sont pas placés à la même enseigne: « certains arrivent à t'aimer, peut-être parce qu'il se retrouvent en toi ». Pour autant, la plupart « ne t'aident pas, voire contribuent à te déshumaniser » (p. 54). Voilà donc la profession habillée pour l'hiver ! Ce qui n'empêche pas Lyes d'être entré en formation d'éducateur : un retour vers l'enfer ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1150 ■ 30/10/2014