L’île aux enfants

BOIS Ariane, éd. Belfond, 2019, 228 p.

Cela restera, sans doute, l’une des pires souillures de la protection de l’enfance. La participation des travailleurs sociaux à cette infamie constitue une véritable flétrissure éthique. Mais, ne soyons pas trop donneurs de leçon. Combien de mineurs non accompagnés laissons-nous aujourd’hui à la rue, démontrant que l’impuissance d’hier est loin d’être exceptionnelle, pouvant se reproduire aujourd’hui ? Et ce passé que ce livre décrit avec beaucoup de justesse et d’émotion, ce sont ces deux milles enfants arrachés à leur île natale, entre 1963 et 1982, pour être placés ou adoptés dans près de 83 départements de la métropole, dont principalement la Creuse. Il est vrai que la démographie de la Réunion est alors très élevée : sept enfants en moyenne par famille, 60% de la population âgée de moins de 20 ans. Effectivement, la misère, la maladie, l’alcoolisme font des ravages. Bien sûr, la perspective pour leurs enfants de faire des études et la promesse d’un retour régulier pendant les vacances ont convaincu nombre de familles d’accepter cette séparation. Mais, même si certains sont accueillis dans une famille aimante, bien d’autres serviront de main d’oeuvre servile auprès de fermiers les réduisant en esclavage, dans ce qui apparaît comme une véritable déportation.

Ce roman nous fait entrer dans le destin de Pauline arrachée aux siens et exilée au coeur du Massif Central. Nous la suivons, pas à pas, dans un parcours commençant par l’immersion dans une famille malveillante tout d’abord, puis auprès d’un couple qui va lui apporter bonheur et épanouissement. Au point de l’enfermer, dans un premier temps, dans le déni quand la vérité sur ses origines lui sera révélée. Il lui faudra l’aide de sa propre fille pour lui permettre enfin de vivre la quête de ses racines. A lire par plaisir et par devoir de mémoire.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1258 ■ 01/10/2019