Le smartphone des enfants placés

POTIN Émilie, HENAFF Gaël, TRELLU Hélène, Éd. érès, 2020, 178 p.

S’il est bien un problème récurrent pour les institutions, c’est le contrôle des pratiques socio numériques. Les smartphones bouleversent déjà l’organisation de la vie des familles et de l’école. Que dire de cet outil technique qui instaure un lien permanent entre des enfants et leur milieu d’origine, alors que la distanciation est la raison première de leur séparation ? D’un côté cet appareil, véritable cordon familial, évite une rupture brutale et donne des espaces même ténus à l’exercice des attributs parentaux. De l’autre, il procure le pouvoir discrétionnaire de procéder à des échanges quotidiens échappant à tout contrôle et potentiellement chargés tant de propos inadaptés que d’injonctions contradictoires avec le fonctionnement du lieu d’accueil. Les familles d’accueil et les équipes de foyer s’interrogent sur leur légitimité à autoriser, restreindre ou interdire l’usage du smartphone. A la différence des juges des affaires familiales, les juges des enfants font rarement référence dans leurs jugements à l’usage de la communication numérique. Il est vrai qu’aucune législation n’en fixe les modalités d’application, les renvoyant à la sphère parentale. L’achat d’un smartphone ou l’inscription sur les réseaux sociaux relèvent-ils des actes non usuels (donc de l’autorité parentale) ou des actes usuels (du lieu d’accueil) ? Comment composer avec les usages déjà en vigueur avant le placement ? Quel financement quand aucun poste de dépense n’est dédié à ces équipements ? Si les visions sont forcément différentes selon que l’on est au front (au contact quotidien) ou au fond (référent ASE), il semble nécessaire de trouver l’équilibre entre trois objectifs contradictoires et paradoxaux : la protection du mineur, le maintien des liens et l’éducation à la culture numérique.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1317 ■ 10/05/2022