Essais en éducation spécialisée

Robert MATHIEU, La Tour Gavroche, 1994, 126p.

Pionnier de la prévention spécialisée (il ouvrit le premier club de prévention à Paris, en 1949), Robert Mathieu s'est consacré à la recherche en 1988.

Il nous livre ici un certain nombre de ses réflexions.

Des trois domaines où intervient l'éducateur spécialisé : l'internat, le milieu ouvert et la prévention spécialisée, seule cette dernière permet de travailler sur la base de la motivation de ce qu'il appelle le "principal intéressé", car il n'y a alors ni contrainte ni obligation dans la relation. Favoriser l'émergence du véritable désir du sujet, voilà l'éducation qu'il préconise. Et de dénoncer les institutions qui au lieu de se Mettre à l'écoute des besoins des usagers, les orientent en fonction de dispositions officielles préétablies. Robert Mathieu réorganise le champ social en proposant de partir du quartier et de la famille autour desquels se tisserait un réseau de travailleurs sociaux plus ou moins proches : travail de base au sein des familles, travail de rue auprès des ados, travail de club qui reçoit les enfants, maison de repos où tout un chacun pourrait décompresser, communauté de familles en difficulté et hébergement pour les situations critiques.

Cet essai rappelle, comme donnée de hase, la nécessité, pour qu'une solution réussisse, que l'usager sen empare, l'investisse et la fasse sienne. Pour ce faire, il faut bien que cela corresponde à ses véritables besoins. Cette notion bien que fondamentale n'est nouvelle ni en pédagogie (Montaigne l'a amorcée, puis Rousseau, puis les différents courants du début du siècle dont s'inspirent de nombreux instituteurs) ni dans le social ("ne pas faire à la place de" est le concept de base qu'on apprend en formation initiale d'assistant de service social).

Quant aux institutions, si elles savent plus qu'à leur tour faire passer des intérêts financiers, administratifs ou de pouvoir avant ceux des usagers, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Les travailleurs sociaux qui y travaillent savent aussi préserver les demandes et besoins de ces derniers.

Par ailleurs, ne soyons pas naïfs : quel que soit le secteur d'activité, il arrive que l'aidé situe inconsciemment son désir en harmonie avec ce qu'il perçoit du souhait de l'aidant. Ce dernier, tout aussi inconsciemment, renforce ce qu'il croit être la motivation de son client. La non directivité de Rogers est de ce point de vue un outil très précieux, mais qui peut prétendre l'utiliser parfaitement ?

Tous ceux intéressés par cette recherche peuvent s'adresser à Robert Mathieu qui a créé un lieu de réflexion et de rassemblement en Lorraine à Onville.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°285 ■ 08/12/1994