Accompagner l’enfant incasable et sa famille

DE SOTO Armand, Chronique Sociale, 2010, 199 p. 

Ils sont engagés dans une funeste et chronique farandole d’institutions, de familles d’accueil, et de lieux de vie, qu’ils mettent successivement en échec. Ils ont été au choix : abandonnés, mal adoptés, battus, violés, victimes d’inceste, prostitués, exploités, drogués, quand ils n’ont pas été simplement mal désirés ou nés au mauvais moment. Mais ce n’est pas suffisant pour entrer dans le club des borderline et des patates chaudes. Pour réussir son examen de sales gosses, encore faut-il qu’ils ne puissent exprimer leurs souffrances, que par une violence qui devient leur seul mode d’expression. Leurs comportements inadaptés déclenchent une machine répressive qui ne fait que décupler en retour leur révolte et leurs transgressions. Quand une éclaircie se fait jour, c’est le syndrome de l’élastique qui leur colle à la peau : leur moindre faux pas ou leur saute d’humeur est alors systématiquement renvoyé à leur lourd passé. Retour à la case départ : ils n’ont plus droit à l’erreur. Les équipes éducatives s’épuisent, ne sachant plus comment leur faire face et s’inquiètent surtout du danger qu’ils représentent face aux autres enfants du groupe qu’ils entraînent ou menacent physiquement. Armand de Soto n’a pas de solution à nous proposer. Il n’a que son expérience de chef de service, poste qu’il exerce en parallèle avec une qualification de thérapeute familial systémicien. Des six récits de prise en charge d’incasables que cet « éducothérapeute familial » nous présente ici, on peut retenir trois enseignements. Le premier d’entre eux tient aux rencontres décisives que ces enfants peuvent faire avec des adultes qui s’engagent auprès eux dans un travail pugnace et de longue haleine, en ne craignant ni le risque du transfert, ni celui de l’implication affective : « de ce qui fait du père pour un enfant dans sa rencontre avec un homme » (p.49). L’enclenchement d’une dynamique de résilience est bien l’une des conditions de la reconquête de leur estime de soi : compter aux yeux de quelqu’un. Second enseignement : « il faut inventer, s’adapter. Beaucoup le disent, peu osent » (p.19) Car, la démarche pédagogique tend à s’aseptiser et à se vider de son sens humaniste au profit du principe de précaution qui prive la relation de bien des repères. Et l’auteur de décrire les séjours de rupture sollicités tant sur mer que sur le continent africain, pour tenter des solutions improbables … qui fonctionnent souvent. Troisième enseignement : ne pas réduire ce que met en scène l’enfant à une simple problématique individuelle, mais considérer son symptôme comme significatif des  dysfonctionnements de son groupe familial. Ce qu’illustre longuement l’auteur dans sa pratique auprès des familles qui s’appuie sur les apports de la systémie.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°965 ■ 18/03/2010