La nef des oufs
Collectif La Bergeronnette, Éd. Cet-atelier-là, 2022, 180 p. (www.cetatelierla.com)
Existe-t-il encore quelques îlots de résistance dans un monde archi contraint croulant sous l’avalanche des règles, des règlements, des obligations, des évaluations, des directives et autres normes ? La Bergeronnette en fait partie. Ce lieu de vie et d’accueil ne se contente pas de proclamer sa volonté de rompre avec le discours dominant et de s’interdire les certitudes, en revendiquant savoir ne pas savoir. Il le traduit dans son mode de fonctionnement quotidien. Travailler avec ses tripes, accepter ce que chacun est et toujours rester dans l’écoute et l’échange à son égard, s’afficher tantôt souple tantôt autoritaire, se montrer disponibles, assurer une permanence et une proximité éducatives … telle est la pédagogie mise en œuvre face à des enfants hors-normes qui nécessitent une adaptation et un ajustement de tous les instants. Cela se traduit par le partage de leur vie tant dans ses bons moments que dans les coups durs, de réussir à plonger dans leur univers afin de s’en forger une image et d’engager le dialogue avec leur différence, de trouver des compromis entre ce qui est acceptable pour eux et ce qui l’est pour l’équipe, de privilégier l’attente d’un résultat qui viendra quand ils décideront de prendre ou pas ce qui leur est proposé. Cette ancienne auberge accueille sept jeunes et six permanents percevant le même salaire, diplômés ou pas, sans trop d’horaires. Il n’y a ni maître de maison, ni agent d’entretien. Tout le monde, enfants comme adultes, met la main à la patte. Elle est ouverte sur l’extérieur, intégrée dans le milieu altermondialiste avoisinant en tant qu’éco-lieu, recevant artistes et stagiaires. Voilà un espace qui préserve et cultive une utopie réaliste au cœur des valeurs du travail social, loin d’un formatage qui broie tout sur son passage.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1323 ■ 20/09/2022