Réussir la protection de l’enfance. Avec les familles en précarité

RENOUX Marie-Cécile, Editions de l’Atelier, 2008 

Il y a une différence essentielle entre une juge d’instruction et une avocate. La juge d’instruction est censée instruire à charge et à décharge, en recherchant tous les éléments qui vont démontrer tant la culpabilité que l’innocence du mis en examen. L’avocate  prend bien soin de mettre en évidence ce qui avantage son client et de minimiser ce qui va à son encontre. C’est bien cette dernière posture qu’adopte Marie-Cécile Renoux qui se livre ici, d’une façon particulièrement adroite, à un vibrant plaidoyer au bénéfice des familles en précarité, victimes de la protection de l’enfance. Elle dénonce ainsi, avec justesse, toute une série de travers qui entachent parfois les services socio-éducatifs : placements précipités qui auraient pu être évités, jugements de valeur et toute puissance aboutissant au non respect des droits des famille, manque de moyens ou de bonne volonté des intervenants ne permettant pas d’accompagner le nécessaire travail d’approfondissement des compétences parentales, absence de confiance provoquant la détérioration des liens familiaux dans un processus de prophétie auto réalisatrice. Tout cela est juste, quoiqu’un peu caricatural : il existe aussi des milliers de familles avec qui des milliers d’intervenants agissent avec respect et efficacité. Pourtant, il manque quelque chose d’essentiel : c’est l’autre face de la médaille. On devine au fil des pages qu’il peut y avoir quand même des problèmes graves. L’auteur ne le nie pas, mais c’est toujours pour noyer cette dimension dans des arguments portant sur le mépris de la place des parents. Au fil des pages, on est  longuement abreuvé d’exemples édifiants et de citations d’acteurs de notre secteur acquis depuis longtemps à la repentance et battant leur coulpe avec commisération. Mais, de ces gamins largement détruits, parce que restés trop longtemps dans leur famille avant d’en être retirés, de ces parents pervers et dangereux qui se montrent nocifs pour leur enfant, de ces maltraitances physiques et psychologiques, sans compter ces viols subis pendant des années … Marie-Cécile Renoux n’en parle guère. Et cela n’a rien d’étonnant, puisque le fondement de sa démonstration s’appuie sur l’hypothèse, déjà ancienne, qui fait de la misère la cause première des placements. L’auteure est persuadée que la voie qui garantit le mieux l’évolution de l’enfant en danger ne peut être que dans le soutien à ses parents. Cette option incontournable ne doit cependant pas être exclusive, au risque de sacrifier l’enfant à l’idéologie familialiste. Les services socio-éducatifs sont placés entre le risque d’agir trop tard et avec trop d’hésitation et celui d’intervenir trop brutalement et avec trop de précipitation. Ils essaient, en général, de trouver au mieux la réponse adaptée.

 

 Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°928 ■ 07/05/2009