Diagnostic et traitement de l’enfant en danger

Aline VEZINA et all, L’Harmattan, 1995, 207 p.

Dans leur livre sur « Les interventions auprès des parents » (Privat 1994, voir Lien Social n°297), Gérard Boutin et Paul Durning comparant les méthodologies d’action sociale en France et Outre-Atlantique, mettaient l’accent sur l’importance des programmes préétablis chez nos confrères anglo-saxons. Les éditions l’Harmattan nous donnent ici une illustration en provenance des USA via le Québec sur un mode de fonctionnement auquel les travailleurs sociaux français sont peu habitués.

De quoi s’agit-il ? D’évaluer selon des critères objectifs le bien-être de l’enfant au sein de sa famille. Vaste programme ! La démarche se veut toutefois prudente: sont rappelés à la fois « l’élasticité de la définition » de cette notion et à la fois que « tout bon instrument aussi sophistiqué soit-il, ne pourra jamais évaluer la complexité d’un (tel) concept ». Une équipe de chercheurs a tenté toutefois de mettre au point une série de 43 échelles définies à partir d’une démarche scientifique comparable à celle qui permit l’élaboration des tests psychologiques. Ce modèle propose au travailleur social qui l’utilise de classifier la famille qui fait l’objet de l’ étude pour chacune de ces échelles dans l’un des 6 niveaux suivants: adéquat, acceptable, légèrement inadéquat, modérément inadéquat, sérieusement inadéquat et sévèrement inadéquat (deux possibilités toutefois de non-utilisation existent: « information insuffisante » &  « ne s’applique pas »). A chacun de ces niveaux correspondent un degré pondéré de gravité et un seuil à partir duquel une intervention apparaît nécessaire. Divers tableaux résument les multiples actions possibles au sein de la famille. Bien sûr, on ne peut reproduire ces 43 échelles: le lecteur intéressé ira dans la   librairie la plus proche se procurer l’ouvrage. On peut néanmoins préciser qu’ils sont regroupés selon deux types d’association:

-      des « facteurs ». Facteur 1: conditions de vie au foyer (santé, nutrition, habillement, hygiène, propreté, budget ...). Facteur 2: dispositions parentales (relations entre conjoints, affection à l’égard des enfants, discipline, motivation des parents ...). Facteur 3: fonctionnement de l’enfant (santé mentale, scolarisation, incapacités ...).

-      des « dimensions théoriques »: négligence physique, négligence émotionnelle, abus physique, abus sexuels et troubles du comportement.

On ne peut que conseiller la lecture de cet ouvrage qui démontre tout un savoir-faire innovant. Mais, au-delà de la curiosité intellectuelle, y a-t-il matière à inspiration et à application concrète ? Le préfacier et directeur de collection Jean-Marc Dutrénit le croit et ce malgré les précautions des auteurs de l’ouvrage. « Finalement, l’interprétation des résultats est en fonction du contexte de l’intervention en protection de la jeunesse au Québec, d’où les limites dans l’interprétation et l’utilisation des résultats dans d’autres milieux et d’autres cultures » (p.37). A quoi le premier répond qu’un tel outil « convient bien à la vie quotidienne en France » (p.9) qui est si proche de celle de la Belle Province. Et de continuer: « Travailleurs sociaux, responsables de service d’Aide à l’Enfance et formateurs en carrière sociale devraient trouver dans cet outil, utilisable tel quel et conçu pour cela, un point d’appui qui leur manquait jusqu’ici » (p.10) alors-même que les auteurs mettent en garde: « (cet inventaire) est destiné aux professionnels qui ont reçu la formation nécessaire et à leur usage uniquement (...) Préalablement à l’utilisation, vous devez avoir reçu une formation appropriée » (p.41).

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°359 ■ 27/06/1996