50 nuances d’enfants en danger- De la réalité à la fiction ou de la fiction à la réalité?

TREMINTIN Jacques, Éd. Chronique Sociale, 2025

En 50 fictions (et un peu plus), voilà de quoi répondre à la curiosité des lectrices et lecteurs intéressées par ce qui peut se passer entre un enfant en danger et un(e) professionnel(le) en charge de sa protection. Ces situations sont sorties de mon imaginaire, mais m’ont été inspirées par mon expérience professionnelle

Ce sont quelques-uns des idéal-types des situations les plus fréquentes rencontrées en protection de l’enfance. Je mets en scène un(e) mineur(e) ou jeune accompagné(e) est son accompagnateur ou accompagnatrice, chacun(e) décrivant de sa place la situation vécue.

Je laisse à Jean-Pierre Rosenczveig  le soin d’en dire plus, lui qui m’a fait l’honneur de préfacer ce récit :

«  À travers cette cinquantaine de situations Jacques Trémintin démontre combien l’action sociale moderne relève plus que jamais du grand art, voire du funambulisme, de l’intelligence matinée d’expérience, dans un contexte toujours contraint dont il faut tirer le meilleur avec des femmes et des hommes qui tentent modestement certes, mais avec la conviction de leur importance, d’accompagner des parents et des enfants en souffrance, via leurs compétences techniques mais aussi leur humanité. Avec, fréquemment, l’interrogation sur l’impact à terme des efforts développés, mais le sentiment que sur l’instant la décision s’impose. Avec, régulièrement, la satisfaction si non la fierté d’avoir la preuve que l’on a “bien fait” par-delà le sentiment d’écoper à la petite cuillère une barque qui coule. […]

Ce livre, séduisant à lire par ces vignettes à double lecture est en vérité un document infiniment politique sur le travail social en protection de l’enfance. Elle a toujours eu mauvaise presse ? À tort. On est loin de l’Assistance publique du passé et même de la DDASS d’avant-hier. Pour autant, beaucoup, notamment de professionnels doutent aujourd’hui de son efficacité. Bien évidemment, comme toute institution humaine, elle supporte la critique et appelle encore et encore des améliorations, mais Jacques Trémintin le démontre avec maestria, la protection de l’enfance moderne ne mérite pas la critique souvent injuste qu’elle supporte.

Reste l’essentiel : offrir à ces enfants et ces adultes en souffrance dans l’instant une présence humaine, une écoute pourquoi pas critique et un accompagnement bienveillant et à niveau souvent y compris par-delà leurs 18 ans. Cela est possible, cela se fait tous les jours sans trompettes. »

 

Pour celles et ceux qui souhaitent savoir de quoi parle ce livre, en voilà le sommaire.

Vignette 1- « Quand il a bu, il me tape »

 Où l’on fait connaissance avec Tarik, 8 ans, victime des violences de son beau-père. Suivi éducatif à domicile, puis placement en famille d’accueil, il pourra finalement retourner chez sa mère.

Vignette 2- « Il venait me voir, la nuit »

Où l’on rencontre Lucile, 15 ans, violée par son père depuis ses 9 ans. C’est la confidence faite ç une copine qui déclenchera l’intervention des policiers et un placement en foyer où elle se reconstruit.

Vignette 3- « Je veux être libre »

Où l’on entend le témoignage de Julia, 16 ans, adolescente dont rien ne semble pouvoir contenir les transgressions. Seules réponses possibles : la patience, la congruence et la continuité de son éducateur.

Vignette 4- « Ma maman, elle est pas folle »

Où l’on partage la détresse de Léo, 6 ans, placé en famille d’accueil. Il doit grandir avec une maman atteinte de maladie mentale et accepter que son éventuelle guérison prenne beaucoup de temps.

Vignette 5- « J’ai confiance en personne »

Où l’on encaisse la colère de Marina qui se méfie de tous les hommes depuis qu’elle a été agressée sexuellement, assimilant tout frôlement ou rapprochement physique à une tentative d’attouchement.

Vignette 6- « Ils arrêtent pas de m’embêter »

Où l’on découvre le harcèlement subi par Rudy, 12 ans, victime des plus grands de son foyer. L’équipe éducative réussira à trouver réponse improbable pour le protéger d’une manière durable.

Vignette 7- « Faut qu’je bouge »

Où l’on croise un coup de vent : Camille, 15 ans, adolescente en fugue permanente, qui ne réussit à se stabiliser dans aucun endroit. Son référent n’a d’autres choix que de lui courir après, où qu’elle aille.

Vignette 8- « Mes parents sont morts »

Où l’on entend l’histoire de Jérôme, 8 ans, placé en famille d’accueil après un accident de voiture qui l’a laissé orphelin. Devenu pupille de l’État, l’autorité parentale est dédiée au Conseil de famille.

Vignette - « J’veux qu’ils m’adoptent »

Où l’on apprend qu’Arthur, 15 ans, demande à être adopté par une famille d’accueil où il vit depuis ses 9 ans. Le couple hésite, ayant plutôt comme projet de profiter d’une retraite bien méritée.

Vignette 10- « C’est plus fort que moi »

Où l’on mesure combien le placement en foyer de Mathias, 17 ans, lui a surtout permis de se tailler une nouvelle clientèle pour son deal de shit, au grand dam de l’équipe éducative qui regrette son admission.

Vignette 11- « J’entends des voix »

Où l’on se heurte à la psychose d’Aurélie, 10 ans et à l’impuissance d’un accompagnement éducatif, quand la psychiatrie infantile, débordée, ne remplit plus son rôle de soin et de soutien.

Vignette 12- « Je viens de loin »

Où l’on distingue avec Haza, 18 ans, mineur non accompagné ayant fui son pays et à la recherche d’une terre d’accueil, combien l’ASE lui peut faire basculer une vie, en soutenant son insertion.

Vignette 13- « C’est l’ASE qui m’a sauvée »

Où se confirme avec Emma, 20 ans, comment une famille d’accueil peut offrir un avenir à un enfant qui semblait jusque-là bien compromis, en lui garantissant affection, sécurité et continuité.

Vignette 14- « La zonzon, c’est pas cool »

Où se consolide la possibilité pour Aymerik, 17 ans, incarcéré après une bagarre, de pouvoir compter sur son éducatrice, en vérifiant sa présence même dans les pires moments de son parcours chaotique.

Vignette 15- « Des fois, elle boit »

Où l’on constate avec Félix, 11 ans, combien la parentalisation place l’enfant face à un rôle qui n’est pas le sien. A voulant aider son parent, c’est la sérénité de son développement qui est compromis.

Vignette 16- « Je me suis fait jeter »

Où l’on vérifie avec Régis, 16 ans, renié par sa famille, que l’homophobie est bien loin d’avoir disparu de notre société et que le degré de cruauté n’a parfois d’égal que la force de l’intolérance.

Vignette 17- « T’inquiète, je gère »

Où l’on évalue combien la toute-puissance de l’adolescence peut parfois se combiner avec l’inconscience pour s’enfermer dans des dérives prostitutionnelles, en croyant tout maîtriser.

Vignette 18- « L’école, ça me gave »

Où l’on perçoit combien les comportements de phobie scolaire de Régis, 13 ans, placent les professionnels face à une énigme, sinon une impuissance qui les incitent à innover et improviser.

Vignette 19-« J’arrête quand je veux »

Où l’on observe chez Farida, 15 ans, les mêmes mécanismes récurrents que chez tant d’autres jeunes de déni et d’illusion de contrôle face à une toxicomanie qui l’installe petit à petit dans la dépendance.

Vignette 20 « C’est comme un papy et une mamy »

Où l’on prend conscience avec Lily, 10 ans, et sa mère qu’une famille d’accueil n’est pas toujours là pour se substituer à un parent, mais peut aussi lui proposer un relais, le temps que la situation se stabilise.

Vignette 21- « C’est les profs qui me cherchent »

Où l’on bute sur la rébellion de Carl, 15 ans, guère décidé à respecter les règles et l’autorité, celles des enseignants encore moins que celles des autres adultes. Son éducatrice arrivera-t-elle à l’apprivoiser ?

Vignette 22- « J’veux plus qu’ils s’insultent »

Où l’on jauge la souffrance extrême de Sofia, 8 ans, otage de la haine que se vouent ses deux parents. Seule une mise à distance de l’un et de l’autre lui procurera l’apaisement auquel tout enfant a droit.

Vignette 23- « J’en ai marre de tout »

Où l’on désespère à entendre le désespoir de Virgile, 15 ans, qui hurle sa détresse, en ayant la conviction que pour ne plus souffrir, il faut en finir avec cette vie où personne ne l’aime … et qui passe à l’acte.

Vignette 24- « Je lui apporte ce que j’ai jamais reçu »

Où l’on s’attendrit avec Zoé, 15 ans et son bébé Chaly, 6 mois. L’enfant est tout pour cette adomaman qui veut pour lui la vie qu’elle n’a pas eue. Mais, comment exister face à un amour trop étouffant ?

Vignette 25- « Ils m’aiment pas » 

Où se trouve démontrée avec Marius, 10 ans, la nocivité de la maltraitance par négligence. Un enfant a un besoin vital de se sentir aimé, d’être investi et que l’on prenne du temps avec et pour lui.

Vignette 26-« Je fais c’que j’veux »

Où l’on comprend avec Vinciane, 15 ans, combien les troubles du comportement réduisent les capacités à gérer ses émotions et ses pulsions, nécessitant une fonction contenante des professionnels.

Vignette 27- « Il frappait ma maman »

Où il est établi avec Arthur, 12 ans, que les enfants témoins des violences conjugales de leurs parents ne sont pas des victimes secondaires, mais victime à part entière de la maltraitance des adultes.

Vignette 28- « J’suis pas une gogol »

Où l’on jauge avec Lydie, 10 ans, l’impact de la stigmatisation liée au handicap qui peut entraîner un déni de la déficience et un rejet des dispositifs destinés à l’accompagner et la compenser.

Vignette Vignette 29- « J’peux pas m’en empêcher »

Où l’on est pris à témoin de la kleptomanie de Justin, 14 ans, que l’adolescent reconnaît bien volontiers, mais qui place les professionnel(le)s en difficulté pour réussir à y répondre de manière adaptée.

Vignette 30- « C’est là où tu iras si tu continues »

Où l’on écoute avec étonnement le récit de Martin, 30 ans. Malgré une jeunesse mouvementée, il a réussi à se stabiliser. La visite qu’il leur rend, c’est à la fois un remerciement et un coup de pression.

Vignette 31- « C’est plus mon père, il a trahi ma mère »

Où l’on identifie chez Sidonie, 14 ans, un mécanisme d’emprise dans sa défense inconditionnelle de sa mère contre son père. Les professionnels n’ont à prendre qu’un parti dans ce conflit : celui de l’enfant.

Vignette 32- « Pas question qu’il me lâche »

Où l’on justifie, en accord avec Sandra, 40 ans, l’utilité de certaines aides éducatives à domicile. Cette maman s’inquiète du départ de l’éducateur de son fils qui lui est pourtant indispensable pour le gérer.

Vignette 33- « J’ai peur du dehors »

Où l’on discerne, avec Rachelle, 15 ans, les ravages provoqués par l’inceste. La déstructuration provoquée en interne peut produire une peur panique dans la confrontation au monde extérieur.

Vignette 34- « Ma maman, elle peut pas me garder » 

Où l’on peut juger avec Théo, 9 ans, de la souffrance d’un enfant confronté à la grave maladie de sa mère. Le défi des professionnels est alors de sécuriser sa situation sans l’éloigner de son parent.

Vignette 35-« Mon père vit dans la rue »

Où l’on ressent chez Victor la grande affection qu’il voue à son père, en situation parentale des plus atypiques. Les professionnels ont su s’ajuster à la situation dans un profond respect des liens de famille.

Vignette 36- « J’ai la haine »

Où l’on détecte chez Slimane, 15 ans, derrière son agressivité toute la douleur d’une enfance martyrisée. La permanence du lien avec les professionnels permettra peut-être de retisser la confiance.

Vignette 37- « Mon père a tué ma mère »

Où l’on peut percevoir avec Jérémy, 10 ans, l’horreur du meurtre conjugal. Cet enfant a besoin de comprendre l’indicible et l’insondable. Tâche bien complexe pour son administrateur ad’hoc.

Vignette 38- « Faut pas me dire non »

Où l’on décode à travers le récit de Vincent, 11 ans, combien la frustration peut s’avérer insupportable pour un enfant. La réaction en retour des professionnels doit être persévérante et sans faille.

Vignette 39- « A 18 ans, ils m’ont mis à la porte »

Où l’on appréhende avec Jules, 18 ans, combien l’accès à la majorité peut constituer une insupportable couperet imposé par une protection de l’enfance qui interrompt la continuité qu’elle devrait garantir.

Vignette 40- « J’suis bien chez toi. J’pourrais pas y rester tout le temps ? »

Où l’on imagine à travers le témoignage de Marvin, 8 ans, la déception de ces enfants qui trouvent un équilibre là où ils se trouvent et qui doivent pourtant changer, sans en comprendre les justifications.

Vignette 41- « Maman peut pas m’emmener chez le docteur »

Où l’on réalise, face à Vincent, 7 ans combien l’incapacité manifestée par un parent peut s’avérer grave pour la santé d’un enfant et la nécessite vitale parfois d’imposer une suppléance.

Vignette 42- « Une claque ça n’a jamais fait de mal à personne »

Où l’on analyse, avec Monsieur G., 47 ans, combien il est difficile de déconstruire la violence éducative ordinaire héritée de sa propre famille et la patience pour faire évoluer les représentations dominantes.

Vignette 43- « L’école veut pas de moi »

Où l’on entrevoit avec Corinne, 9 ans, combien notre société prétendument inclusive, stigmatise les enfants différents, en les laissant trop souvent à la porte de l’école, dans l’attente d’une place libre.

Vignette 44- « C’est pas vrai, j’ai rien fait »

Où l’on compte avec Jérôme, 15 ans, les risques que les professionnels prennent soit de surinterpréter et d’accuser à tort, soit de mésestimer et de ne pas sanctionner un acte grave qui a été commis.

Vignette 45- « Ils n’ont pas droit de me placer »

Où l’on réprouve chez Gabin, 13 ans, une confusion entre les droits de l’enfant et sa liberté de tout faire, y compris contester la protection décidée pour lui contre son avis, son intérêt divergeant de son désir.

Vignette 46- « Je ne veux plus le voir »

Où l’on déchiffre avec Judith, 16 ans, la difficulté d’être parent, quand on est en prison. Comment réhabiliter la légitimité de son autorité et de ses conseils, quand on a soi-même transgressé les lois ?

Vignette 47- « J’étais un blaireau, je suis devenu un héros »

Où l’on se réjouit de constater combien Régis, 15 ans, a réussi son défi, alors qu’il s’en pensait incapable, empruntant le chemin d’une réussite qui l’étonne encore aujourd’hui, finissant par y croire lui-même.

Vignette 48- « Surtout ne rien leur dire »

Où l’on surprend chez Virginie, 12 ans, le terrible secret qui la taraude, ses parents maltraitants faisant peser sur elle un chantage qui la ferait passer du statut de victime à celui de coupable, si elle parle.

Vignette 49- « A la maison, c’est moi qui m’occupe de tout »

Où l’on examine, à travers le témoignage de Lydie, 15 ans, les effets destructeurs d’une parentalisation et les ressources que les ados peuvent parfois déployer pour ne pas subir la situation qui leur est faite.

Vignette 50- « Grâce à elle, j’ai pu trouver ma place de père »

Où l’on se rend compte avec Monsieur V, 49 ans, combien l’aide apportée par les professionnels à domicile peut soutenir et soulager, sans forcément déboucher sur un placement des enfants concernés.

Vignette 51-« Elle sera la marraine de mon enfant »

Où l’on prend conscience avec Manuella, 25 ans, combien les liens affectifs tissés par un enfant avec sa famille d’accueil peuvent sauter une génération et s’inscrire dans le temps.

Vignette 52- « J’essaie de rendre ce que j’ai reçu »

Où l’on s’empare avec émotion du parcours de Justin qui, à 30 ans, décrit un cheminement qui lui a permis de grandir dans la sécurité et l’affection, tout en restant proche de sa famille.