L’articulation du sanitaire et du social - Travail social et psychiatrie

Marcel Jaeger, Dunod, 2000, 172 p

L’histoire de la psychiatrie a, par bien des côtés, préparé, tant par ses échecs que par ses réussites, la construction du secteur médico-social. C’est en effet, dès le XIX ème siècle qu’a éclaté l’univers indifférencié de l’hôpital général qui a laissé la place à des réponses diversifiées en fonction de la spécificité de chaque problématique. C’est aussi à l’initiative du privé que se sont développés des secteurs tels la prévention (aides à domicile) ou les services de suite (société de patronage pour convalescents). Pourtant, malgré cette proximité, les deux secteurs se sont séparés. La division structurelle, institutionnelle et juridique en deux blocs du sanitaire et du médico-social est régie par la loi hospitalière de 1970 et celles de 1975 sur la prise en charge du handicap. Bien sûr, un certain nombre de différences importantes séparent les deux secteurs. L’hôpital est par exemple excédentaire en lits, là où le social marque un net déficit tant qualitatif que quantitatif dans ses propres réponses. Le coût du sanitaire est huit fois plus important que celui du social. Le médical intervient plutôt sur la moyenne durée, le social sur le long terme.  L’identité des personnes juridiques gérant l’un et l’autre est aussi distincte : public dans le premier, associatif pour l’essentiel dans le second. Il n’en reste pas moins, qu’il est  de plus en plus difficile de classer et de gérer les populations comme des stocks répartis selon des problématiques à hiérarchiser. Distinguer les personnes qui ont un besoin d’aide sociale et/ou professionnelle et celles qui ont des besoins de soins est de plus en plus délicat, tant on retrouve chez les unes et chez les autres cette mixité d’anxiété, d’abandonnisme, de dépression et de dépendances. On estimait à 500.000, en 1998, les usagers cumulant des situations de précarité à la fois sociale et médicale. D’où la question qui se pose naturellement, aujourd’hui, du rapprochement des deux secteurs. C’est l’accroissement de la misère et de l’exclusion qui, provoquant des demandes de plus en plus individualisées impossibles à traiter selon des procédures standardisées, rend incontournable la dynamique des réseaux.  Réseaux verticaux, permettant de créer une chaîne ininterrompue entre la prévention, le soin et la post-cure, réseaux horizontaux multipliant le partenariat  entre les différentes structures d’aide qu’elles soient médicale ou médico-sociales. Mais, le travail de réseau suppose que les professionnels de chacune des filières, coordonnent leurs actions autour de projets communs et réfléchissent aux ajustements nécessaires et possibles entre les pratiques. « Comment développer la capacité à passer la main et éviter que chacun, confronté à ses limites ne s’imagine être soit dépassé dans ses compétences, soit ne pas trouver d’interlocuteurs suffisamment légitimes »  (p.164), tel est le défi à relever dans les années à venir. 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°567  ■ 08/03/2001