Le maintien à domicile. Une histoire transversale (XIXème -XXIème S.)

CAPUANO Christophe, Éd. Rue d’Ulm, 2021, 110 p.

L’obsession de vouloir réduire le coût de la dépendance des personnes âgées et handicapées, par leur maintien à domicile n’est pas récente. Les tentatives pour placer les publics les plus fragiles hors-les-murs ont prévalu depuis longtemps. Quand le capitalisme a imposé une nouvelle valeur humaine fondée sur la seule capacité productive de l’individu, les plus vulnérables n’ont plus eu de place dans le large éventail des activités économiques agricoles et artisanales. Ils sont devenus des bouches inutiles à nourrir dont les familles veulent se débarrasser. Les hospices pour vieillards se sont remplis en continu, passant de 47 500 lits en 1862 à 95 207 en 1937. De même pour les asiles d’aliénés : 10 000 en 1840 à110 188 en 1940 ! La saturation fut bientôt chronique, malgré la création constante de places. Les délais d’attente s’allongèrent alors et les conditions de vie et d’hygiène se dégradèrent. La charge budgétaire des hospices fit plus que tripler entre 1912 et 1939. Mais au lieu de s’interroger sur les effets pathogènes de la logique libérale, la seule préoccupation fut déjà de réduire l’impact financier. Naquirent les premiers secours d’hospice à domicile en 1861. La loi des 1905 d’assistance aux vieillards, infirmes et incurables instaura une allocation, pour retarder l’entrée en institution. Puis ce fut la majoration spéciale pour aide constante d’une tierce personne, en 1930. Quelques rares villages se lancèrent dans l’accueil familial. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour que les services à domicile se créent, bientôt ouverts au privé, le maintien des bas salaires des intervenants devant leur permettre de rester compétitifs par rapport aux établissements. Les racines des débats contemporains sont donc bien loin d’être nouveaux.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1296 ■ 26/05/2021