Résistances dans les quartiers populaires en temps de COVID

Joëlle Bordet (Coordonné par), Éd. du Cafard, 2023, 260 p.

Voilà un livre foisonnant de témoignages, d’analyses et d’interprétations d’un moment historique dont le souvenir tend à s’estomper en s’éloignant. Pourtant, il est essentiel d’en garder trace.

L’annonce du confinement lié à la COVID a surpris tout le monde. Elle a plongé tout un chacun dans une forme de sidération et de perte tant de repères que de cadres de référence. Pourtant, l’empêchement à penser, à imaginer et à créer a produit dans le même temps l’obligation à le faire.

Quarante-sept acteurs ont contribué à cet ouvrage dont seize cadres et trente animateurs et éducateurs. Ils relatent les défis liés à ce temps hors du commun qui ont fortement marqué l’action sociale. Il a fallu faire face au paradoxe d’avoir à « rester chez soi » toute en continuant « à faire société ».

L’épidémie a mis à nu les lignes de fracture entre les personnes et renforcé les précarités et isolements. La misère s’est amplifiée. Des précarités nouvelles se sont faits jour en matière sociale et éducative, sanitaire et mentale. Les sources de revenus se sont taries ou raréfiées, réactivant les réflexes de survie économique.

Face à l’éclatement tant des ressentis personnels, que des réponses institutionnelles et des consignes gouvernementales, bien des professionnels sont restés paralysés. Tétanisés par l’ambivalence d’avoir à protéger leur famille des risques de contamination et de maintenir le présentiel auprès des plus fragiles, leur capacité d’autonomie et d’initiative en a été bousculée.

Mais une fois la peur dépassée, l’agir a pu se déployer. Leurs qualités d’adaptation et d’ajustement, d’inventivité et de créativité ont repris le dessus. Parfois « hors-les-clous », souvent en modifiant les habitudes acquises.

Face à la disparition des espaces tant individuels que collectifs de rencontre, une solidarité organique a très vite été mise en œuvre. Les institutions, associations et municipalités se sont mobilisés dans bien des endroits. Ateliers de fabrication de masques et visières, plateforme d’écoute, contacts avec les jeunes via les réseaux sociaux, livraison de paniers repas, appels téléphoniques aux plus isolés …

Mais les solidarités mécaniques n’ont pas été en reste. Elles ont émergé tant au niveau familial, qu’à celui du voisinage, de la cage d’escalier au quartier, au niveau individuel et collectif. Cela a pris la forme de prêts d’ordinateur, d’imprimante et de connections internet. Mais aussi de partage de plats cuisinés ; de soutien aux personnes démunies ; d’entraides pour les courses …

Une nouvelle alliance s’est nouée entre les professionnels et la population. Jusque-là régnait la demande sociale « évaluée » et « diagnostiquée ». Le partage et l’articulation se sont renforcés entre les ressources, initiative et implications des habitants et les outillages des intervenants.

Loin d’avoir subi passivement les évènements, les quartiers se sont donc mobilisés. Ce livre rend hommage à cette résistance tant en France qu’en Italie, au Portugal, en Palestine ou au Sénégal. Foisonnement de solidarités qui n’ont toutefois que renforcer celles qui existaient déjà.