Y a-t-il un pilote dans l’image?

Serge TISSERON, Aubier, 1998, 176 p.

Serge Tisseron s’attache dans ce livre à démystifier la peur de l’opinion publique face à une image perçue comme envoûtante et incontrôlable. A travers une riche conceptualisation autour des notions d’objet et de symbolisation, d’introjection et d’inclusion psychique, sa démonstration est lumineuse. L’image, explique-t-il, est avant tout un support. Son éventuelle violence reste difficile à définir car éminemment subjective. Ce qui peut choquer l’un, ne choquera pas l’autre. Ce qui choquait hier ne choque plus aujourd’hui. Pour autant, cette image peut éveiller chez celui qui la reçoit un retour brutal d’émotions, de pensées ou de sentiments tenus jusque là à l’écart de la conscience, provoquant alors un passage à l’acte agressif. Pour analyser ce phénomène, certains ont évoqué un processus de “ mimésis ” qui induirait une imitation systématique. D’autres ont fait référence au contraire à la “ catharsis ” qui permet d’évacuer l’agressivité accumulée. Pour l’auteur, les réactions possibles relèvent d’une telle irréductible singularité, que ni l’une ni l’autre des ces hypothèses ne peuvent être validées. En fait, seul le spectateur possédant au préalable dans son psychisme un scénario violent qui se trouverait  réactivé par l’image dont il est témoin pourrait réagir avec brutalité, sans qu’il n’y ait là le moindre automatisme. En fait, “ vouloir réduire le poison des images s’avère impossible tant ce poison nous est doux. Il ne reste plus à notre société qu’à généraliser l’administration du contre-poison à tous les citoyens ” (p.131). Cela passe par une éducation qui rappelle que toute image est avant tout une construction, c’est à dire une mise en scène guidée par un désir. Il faut donc la contextualiser en montrant son mode d’élaboration et le cadre dans lequel elle est élaborée. Il est important, en fait, que le spectateur puisse devenir le pilote de l’image en apprenant à la manipuler et en maîtrisant son comportement à son égard (y entrer ou en sortir, l’absorber ou l’expulser, s’y noyer ou la dominer).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°448 ■ 02/07/1998