Écrire dans le secteur médico-social. Un mot pour un autre

BODIN Véronique, L’Harmattan, 2010, 142 p.

Il est difficile de rédiger un ouvrage sur l’écriture, sans exceller soi-même dans cet exercice. Contrat rempli pour Véronique Bodin qui nous propose un récit, écrit de main de maître, qui nous fait voyager à travers les différents établissements qu’elle a fréquentés, respectivement en tant que stagiaire, éducatrice spécialisée, chef de service, puis formatrice auprès d’adultes du secteur médico-social. Cette longue expérience lui a permis de mesurer la nécessité et l’utilité de cette forme d’expression. Écrire sert d’abord à expliquer les objectifs de son activité et à valoriser ses idées, à préciser sa pensée et à se projeter dans l’avenir, à rendre transparent et visible son travail. Mais, c’est aussi se relier à l’autre et gagner en cohérence dans l’action engagée au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Pour autant, on ne maîtrise ni ce que son écrit va devenir, ni comment il sera utilisé. Il engage la responsabilité et la crédibilité de son auteur. Entre l’utilisation d’un vocabulaire par trop impliqué, voire jugeant et les interprétations de la personne qui lit, se pose la question de la fidélité de ce qui est transcrit avec la réalité de ce qui est sensé être rapporté. Écrire à propos d’autrui, c’est avant tout respecter la personnalité du sujet concerné, en rendant compte tant de ses capacités que de ses limites, de ses projets que de ses blocages. Mais, la place de l’écrit permet aussi de mesurer la dynamique interne d’une institution : donne-t-elle le temps de le rédiger ? Garantit-elle les conditions pour le produire ? Incite-t-elle à le réaliser ? La reconnaissance et la légitimité dont bénéficie le professionnel pèsent sur sa démarche d’écriture. La quête sémantique qui consiste à choisir les mots justes et à tenter de trouver la meilleure façon de parler de l’usager, c’est aussi interroger sa pratique et questionner la relation d’aide. Mais, l’écrit professionnel ne relève pas du simple registre littéraire. Il s’agit bien, en s’inspirant des concepts théoriques proposés par les sciences humaines, de communiquer sur les souffrances des publics accompagnés, afin de comprendre leur problématique et de réussir à y répondre au mieux. C’est tout ce travail qu’accompagne l’auteur dans les ateliers d’écriture qu’elle anime. La pudeur et le défaut d’assurance des participants, leur peur de s’exposer, leur difficulté à valoriser leur savoir faire doivent être pris en compte. Le doute salutaire et indispensable dans le secteur médico-social devient en situation de formation une paralysie, qu’il faut aider à dépasser. Mais que de résultats passionnants quand les blocages se libèrent, quand la sensibilité s’épanouit et que l’empathie permet de rendre au détail le plus banal du quotidien sa dimension essentielle et profondément humaine.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1002 ■ 20/01/2011