La trilogie du jeu de vivre

Livre 1 : Les promesses du monde
Livre 2 : Le temps des blessures
Livre 3 : Le tumultes des vagues
LE REST Pascal, 2014, Ed. L’Harmattan, 158 p. / 178 p. /140 p.

Pascal Le Rest nous avait déjà proposé une trilogie passionnante sur l’adolescence qu’il avait écrite, en plongeant dans sa propre histoire pour illustrer le cheminement de Franck Lombard, son héros. En attendant une nouvelle série à paraître sur l’accès à l’âge adulte, il nous offre ici un second triptyque. Il étend sa mémoire très loin puisqu’il le fait débuter… au berceau. Des bribes de souvenirs, des flashs ponctuels, des scènes marquantes qu’il replace dans un récit replacé dans le contexte de l’époque, faisant revivre ce que peut potentiellement vivre et comprendre un tout petit d’homme. Puis, vient l’enfance proprement dite : le quotidien, l’école, les copains, les premières vacances, la naissance de la petite sœur, les mauvais rêves qui viennent peupler la nuit, le rôle rassurant et sécurisant des parents. Tous les ingrédients sont réunis pour un début d’existence heureux et épanoui. Une histoire finalement banale qui n’aurait peut-être pas mérité d’être racontée, tant elle aurait pu ressembler à tant d’autres itinéraires. Et puis, voilà que tout se détraque. Le ver était dans le fruit : deux parents au parcours douloureux n’ayant pas connu eux-mêmes ni l’affection, ni la bienveillance et reproduisant ce qu’ils ont vécu : les coups et la dureté comme mode d’éducation. Dans ce terrain miné, un évènement déclencheur va tout faire exploser : le confinement de la famille dans un espace restreint qui va durer onze années. Ce qui aurait pu être une vie rêvée se transforme bientôt en cauchemar. Violence conjugale, alcoolisation, maltraitance s’installent alors et pour longtemps. Les descriptions de cette brutalité quotidienne ne cherchent ni l’apitoiement, ni l’indignation du lecteur. Elle en appelle bien plutôt à la compréhension de ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant confronté à ce type de situation. Présenter son parcours de vie présente le risque de tomber dans une exposition autocentrée et narcissique. Rien de tel ici. Pascal Le Rest réussit, à partir d’un récit singulier, à décrire ce qu’il y a de plus partagé au monde : comment réussir à se construire malgré une éducation présentant bien des dysfonctionnements. Tout au long des pages, on ne cesse de croiser la violence. Dans le milieu familial qui fonctionne sous la houlette de la toute puissance paternelle. Dans les cours d’école qui confrontent les plus faibles à ce que l’on désigne aujourd’hui comme du « harcèlement » et qui semblait alors des plus banal. Dans les relations qu’entretiennent les enseignants avec leurs élèves volontiers dominées par l’humiliation et le rabaissement. Et pourtant, le jeune Franck va trouver la force de vie tant en lui, qu’en des figures d’identification pour réussir sa vie … tout comme un certain Pascal Le Rest.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1147 ■ 18/09/2014