La Magie du codex. Corps, folio, page, pli, cœur
LEFEVRE Sylvie, Éd. Les Belles Lettres, 2025, 292 p.
Le lecteur familier de ces livres reliés dont il tourne les pages instinctivement n’en connait pas l’origine technique. Voilà une étude qui lui permettra de répondre à sa curiosité.
Les supports utilisés par l’être humain pour laisser des traces ont beaucoup évolué depuis 5 400 ans qu’existe l’écriture. Si l’on met de côté les peintures pariétales, se sont succédés (ou ont cohabité) les parchemins, les papyrus, les tablettes de cire, les feuilles d’arbre et de plante, avant que ne s’impose le papier. Inventé en Chine il y a 19 siècles, ce dernier parvient en Europe il y a seulement 1 000 ans !
Les écrits sont d’abord inscrits sur des rouleaux appelés « volumen ». Leurs 6 et 10 mètres de longueur sont tendus entre deux bâtons fixés aux extrémités. Ce qui est rédigé n’apparaît que sur une seule face. Pour lire, il est nécessaire de dérouler de la main droite et de rouler de la main gauche, au fur et à mesure du déchiffrage du texte.
Quand on veut s’exercer à l’écriture ou noter des informations éphémères qui seront facilement effaçables, ce sont des tablettes de cire qui sont utilisées. Il est alors aisé d’y tracer des signes grâce à un stylet. L’usage d’une spatule permet d’effacer, en lissant la surface qui est malléable.
Le codex, quant à lui, apparaît au premier siècle de notre ère, sous forme de cahier de parchemins. Il va cohabiter avec le volumen, avant de s’imposer au Vème siècle : c’est l’ancêtre direct du livre moderne. La longue feuille d’autrefois est pliée en accordéon, formant des cahiers reliés les uns aux autres, laissant très longtemps le soin au lecteur de couper lui-même les feuilles du bord extérieur restées solidaires.
C’est progressivement que les pratiques, qui nous sont aujourd’hui familières et évidentes, vont progressivement se généraliser. Ainsi de cette habitude de « tourner » la page, passant de l’endroit (recto) à l’envers (verso). L’amélioration de la qualité du papier permettra d’éviter que les textes imprimés sur une face se mélangent par surimpression avec ceux de l’autre face.
Ainsi, de la coutume qui fait commencer le texte sur la page de droite en laissant vierge la page de gauche, parce que c’est celle sur laquelle le regard se fixe d’emblée. De même, la lente mutation qui fait évoluer la première page de couverture longtemps laissée vierge. Elle va, petit à petit, se charger d’informations, puis d’un frontispice de plus en plus imposant, cet appareil décoratif mettant en scène le titre.
Ainsi, de l’apparition du signet : ce long ruban de tissus attaché au transefil servant de marque-page. Mais aussi, les serpentes : ces papiers translucides placés entre deux pages pour éviter qu’elles ne s’abiment en se frottant, l’une contre l’autre. Ou encore ce tissu précieux recouvrant la couverture, pour la protéger, lors des manipulations manuelles.
Ainsi, de l’équipement intérieur du livre qui se diversifie avec des outils annexes. Ce sont ces lunettes polarisées pour les images en stéréographie ; cet écran quadrillé permettant de voir des images se succédant selon la technique de l’ombro-cinéma ; cet onglet faisant apparaitre et disparaître à volonté un dessin ; ce livre pop-up de déployant en relief grâce à des mécanismes de pliage.…
L’anatomie du livre finit par être assimilé à l’organisme humain. On parle de son corps, de sa tête et de ses pieds, un index étant parfois dessiné pour marquer un passage. Il désignera ce répertoire placé à la fin cataloguant l’emplacement des mots signifiants. On a même imaginé d’aménager dans la page intérieur de couverture un espace pour y loger des lunettes de presbyte, pour mieux réussir à lire !
Voilà un livre savant, mais enrichissant dont la moitié des pages sont dotées de magnifiques illustrations retraçant l’histoire iconographique du codex. A recommander pour les curieux et les amoureux de la lecture.