Défi à la pudeur. Quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes

Gérard BONNET, Albin Michel, 2003, 230p.

La sexualité a toujours constitué le moyen par excellence pour faire pièce aux tendances destructrices et mortifères de l’être humain. Mais si l’érotisme se situe du côté de l’amour, la pornographie penche, quant à elle, du côté de la prostitution. Et, en la matière, notre société est devenue exhibitionniste : le déferlement du X concerne les chaînes de télé (en 2002, elles ont diffusé 943 films de cette catégorie), 30% des cassettes vidéo louées, sans oublier une publicité aux messages de plus en plus souvent obscènes. L’auteur, psychanalyste de son état, ne s’inscrit pas ici dans une quelconque croisade morale. Il cherche à comprendre la signification du phénomène. Il n’incrimine ni les parents, ni les enseignants, ni l’Etat, mais constate que si le monde humain est ainsi entraîné dans le tourbillon de ses pulsions, c’est pour se rassurer face à la complexité d’un univers, source d’angoisse et d’effroi. Il distingue d’abord la sexualité pulsionnelle qui se vit grâce à la rencontre d’un objet partiel, essentiellement alimenté par l’imaginaire et le fantasme. C’est le stade que ne dépasse pas l’enfance. Vient ensuite la sexualité génitale qui se vit dans la rencontre entre deux sexes.  Elle se combine, à l’âge adulte avec la première. Si l’exhibitionnisme et la pornographie sont perverses c’est parce qu’elles font de la sexualité génitale l’instrument de la sexualité pulsionnelle, la réduisant au coït. C’est aussi parce que ses scénarios obscènes enferment l’individu dans des schémas tout faits, dans une vision particulièrement rétrécie de la sexualité, un homme exerçant le pouvoir sur une femme, la contrôlant totalement et s’en servant comme bon lui semble. Les effets sur les enfants sont très déstabilisants : le fantasme (projection de l’imaginaire sur l’extérieur) est percuté par le traumatisme d’une image (véritable intrusion dans son psychisme), venant ainsi brusquer une élaboration qui se voulait progressive. Quant aux adolescents qui se précipitent sur toutes les formes de plaisir : oral (gloutonnerie, toxicomanie), anal (saleté, violence, provocation) scopique (curiosité malsaine) ou auditif (bruit, musique tonitruante), la pornographie répond à leur recherche d’immédiateté, sans jamais les satisfaire réellement, car il n’y a que grâce à l’autre qu’ils retrouveront les objets pulsionnels qu’ils cherchaient jusqu’alors de façon effrénée  dans leurs comportements excessifs. Or, si le plaisir est décuplé, immédiat et maîtrisable, il n’est pas dédoublé, l’autre étant maintenu à distance.  Rétablir l’équilibre passe par la réorganisation intérieure de ses potentialités de plaisir et le réinvestissement des relations à l’autre. Ce n’est qu’en étant accepté dans sa totalité physique qu’ils ont eux-mêmes éprouvée de façon positive que les adolescents pourront le voir autrement qu’au travers de son seul sexe.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°692 ■ 15/01//2004