Enfants dans le commerce du sexe. Etat des lieux, état d’urgence

Florence HODAN, L’Harmattan, 2005, 168 p.

Selon l’Unicef, trois millions d’enfants sont exploités sexuellement à travers le monde, dans la prostitution, la pornographie et le trafic d’êtres humains. Tous les continents sont touchés. Si le Mexique compte près de 16.000 enfants victimes et les Philippines 100.000, les USA en comportent 325.000 en risque. La première cause de cette situation, c’est l’extrême pauvreté. C’est la seule manière parfois de survivre (600 millions d’enfants sont contraints de vivre avec moins d’un $ par jour). Cela peut être aussi considéré comme un moyen d’ascension sociale (Europe de l’Ouest). Dans certains pays d’Afrique, c’est une façon de pouvoir rester à l’école (80% des écolières du Liberia se prostituent pour payer leurs études). Toute une série de facteurs contextuels ont favorisé la mondialisation de ces pratiques (pression migratoire, instabilité politique, amélioration des transports, large ouverture des frontières …), donnant au tourisme sexuel une dimension jamais encore atteinte. Les adultes coupables de ces agressions ne sont pas tous des pédophiles. On trouve aussi des « clients » habitués de la prostitution, attirés par la jeunesse des prostitué(e)s, ne se posant guère la question de leur âge, recherchant la virginité ou souhaitant des rapports non protégés. Ils banalisent leur acte en prétextant ne faire qu’utiliser des coutumes locales ou en affirmant cyniquement contribuer à aider ces populations à survivre. Mais les clients de la prostitution enfantine ne sont pas tous des étrangers. Ce sont avant tout des locaux. La tradition religieuse veut parfois qu’en offrant une fillette aux prêtres, on fasse œuvre de rédemption quand on a commis un acte grave ou qu’en ayant un rapport sexuel avec ces jeunes enfants, on bénéficie de la promesse d’un bonheur éternel. Ils sont ainsi 35.000 au Togo, au Nigeria, au Bénin ou au Ghana et 19.000 au Népal à être victimes de ces pratiques ancestrales. Sans compter, au Pakistan, la coutume du bachalazzi consistant à confier le financement de l’éducation d’un jeune garçon à un homme mûr en échange de faveurs sexuelles. Les risques prostitutionnels sont d’autant plus importants que les enfants ne bénéficient pas de la protection de leur famille (qui peut être marginalisée par la misère, la délinquance ou l’alcoolisme), qu’ils sont livrés à eux-mêmes dans la rue ou vivent seuls avec leur mère. L’exploitation sexuelle des enfants n’est pas une fatalité. Une prévention est possible. Individuelle tout d’abord (renforcer la capacité des enfants à y résister), familiale ensuite (aider les familles à s’y opposer), contextuel encore (faire reculer la misère), sociétal enfin (sensibiliser l’opinion publique et les décideurs). La réaction s’est organisée tant dans les régions en développement  pour favoriser l’éducation (l’Unicef a lancé un programme de scolarisation en direction de 25 pays dans lesquels moins de 70% des filles fréquentent l’école) que dans celles qui sont développées (120 pays ont adopté une loi d’extraterritorialité qui pénalise les relations sexuelles de leurs ressortissants avec des mineurs à l’étranger).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°802 ■ 22/06/2006