Ces abus qu’on dit sexuels... Sexualité et violences en prison

Daniel Welzer-Lang, Lilian Mathieu, Michaël Faure, Observatoire International des Prisons/ Aléas éditeur, 1996, 280 p.

Daniel Welzer-lang a notablement contribué depuis quelques années à mettre en évidence le viol au masculin. Inconcevable il y a encore quelques années ou tournée en dérision, cette réalité émerge progressivement du déni collectif.

L’abus sexuel sur des hommes est à relier à celui sur les femmes: sa logique est à rechercher du côté de la construction de la masculinité faite d’agressivité et de la violence. La hiérarchie entre mâles de l’espèce humaine se construit sur le principe du dominant et dominé. Mais là où le reste du règne animal se contente du signe de soumission, l’homme ressent le besoin d’imprimer sa marque. Violer un autre homme n’est pas dès lors la marque d’une quelconque homosexualité, mais la démonstration de sa place dans la hiérarchie.

Sur sollicitation de l’Observatoire International de Prisons coéditeur de l’ouvrage, Daniel Welzer-lang et deux autres chercheurs ont tenté d’illustrer cette hypothèse à partir d’un univers où la virilité ne peut qu’être exacerbée: la prison. La sexualité sous contrainte y constitue un mode de régulation auquel est soumise la population carcérale. Gardiens et gardés partagent approximativement les mêmes valeurs culturelles. Ce qui explique que la révélation des abus fasse le plus souvent l’objet de règlement à l’amiable. L’ouvrage conçu à partir de plus de 500 témoignages rend compte de cette réalité terrible, mais qui ne fait après tout que renvoyer au reste de la société une image à peine déformée de son fonctionnement de base.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°396 ■ 01/05/1997