L’islam des banlieues - Les prédicateurs musulmans: nouveaux travailleurs sociaux?

Dounia BOUZAR, Syros, 2001, 192 p.

Voilà un ouvrage bienvenu. Écrit par une éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse, il vient à point nommé apporter un éclairage utile et pertinent sur une question largement dominée par l’amalgame et la confusion : l’émergence des mouvements musulmans dans le social. Combien d’entre nous n’avons pas vu avec méfiance l’adhésion de certains jeunes à cette religion voyant aussitôt planer le risque d’une dérive intégriste ? De même, concernant ces délinquants qu’aucune action socio-éducative n’a permis de réguler et que seule la nouvelle foi adoptée parvient à resocialiser ! C’est vrai, que toute référence religieuse nous renvoie à la mise sous tutelle par le clergé de l’action sociale, politique et scientifique et nous apparaît comme suspecte. Cette méfiance est légitime : nous n’avons pas réussi à nous débarrasser de la domination chrétienne, pour retomber sous celle de l’Islam ! Sauf que la connaissance de la plupart des intervenants sociaux en la matière ne leur permet pas de comprendre ce qui se joue, identifiant l’attirance pour l’Islam comme forcément signe de déséquilibre et de souffrance. Les 10 à 15 % de jeunes qui se déclaraient auparavant sans foi et qui se tournent vers la religion musulmane, le font peut-être parce qu’ils y trouvent une identité transnationale qui n’exige pas d’eux un choix entre les différentes cultures qui les écartèlent : l’Umma (communauté des croyants) se revendique transnationale. Les difficultés posées par l’UDAF pour accepter, aux côtés des familles rurales, protestantes ou catholiques, les familles musulmanes, au prétexte de ne pas favoriser leur communautarisme (alors qu’elles regroupent quelque 18 nationalités) a quelque chose de pathétique ! Les 50 000 jeunes qui fréquentent les permanences sociales des associations musulmanes dans les grandes villes y trouvent l’affirmation de principes de solidarité et de responsabilité que le discours républicain n’a pas toujours réussi à concrétiser dans la vie quotidienne.

Il ne s’agit pas ici de donner dans l’angélisme : la tentation intégriste menace bien. Mais c’est justement en ne reconnaissant pas la diversité de la religion musulmane qu’on risque de l’encourager. Car l’islam ne reconnaît aucune autorité ni aucun intermédiaire favorisant la relation directe entre le croyant et son Dieu. Chaque verset du Coran étant lié à une circonstance historique, la place laissée à l’interprétation et à l’adaptation au contexte est importante. Aux côtés des écoles coraniques extrêmement doctrinaires, existent des prédicateurs (à ne pas confondre avec ceux qui sévissent aux USA) qui proposent une forme très moderne et ouverte de l’islam. Ils n’hésitent pas ainsi à dénoncer l’interprétation pervertie du code traditionnel par les hommes en rappelant par exemple l’hadith de base : « Celui qui a une fille, qui ne la tue pas, ne l’insulte pas et qui ne la discrimine pas dans l’éducation par rapport à son fils, ira au paradis » ! Un livre à lire pour sortir de nos idées reçues.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°597 ■ 15/11/2001