Maires de banlieues. La politique à l’épreuve du réel

Hacène BELMESSOUS, éditions du Sextant, 2007, 156 p.

L’auteur a suivi, pas à pas, pendant quelques semaines, les maires respectifs de Vaulx-en Velin, (près de Lyon), de La Courneuve et de Montfermeil (en région parisienne). C’est au travers du portrait sensible, habile et subtil qu’il nous en dresse, que nous pénétrons au cœur de la fonction de premier magistrat communal. Mais ce n’est pas un quotidien banal qu’il nous décrit. C’est celui d’hommes politiques exerçant leur mandat dans des communes tout particulièrement concernées par la stigmatisation, l’exclusion et la discrimination. Cette réalité prégnante, ils la vivent d’abord au travers des rencontres avec leurs administrés. Allant au-devant des populations et n’hésitant pas (au moins deux d’entre eux) à les recevoir personnellement, ils se confrontent à toute la misère du monde. Les uns viennent lui demander un travail, les autres un logement, d’autres encore se déplacent pour évoquer les pannes récurrentes d’ascenseurs, se plaindre de l’insécurité ou du harcèlement d’un policier malveillant. Mais tous livrent avec émotion et pudeur leur détresse et leur (des)espoir. Un vrai travail d’assistante sociale. Mais, si le Maire peut s’adresser à ses propres services (CCAS, animation des quartiers, service logement …) ou à des instances extérieures (commissaire de police, office d’HLM, associations d’insertion), ses tentatives pour répondre au mieux se heurtent le plus souvent à une forme d’impuissance. L’environnement dégradé, la crise du logement, le chômage, le manque de moyens financiers, le désengagement de l’Etat sur les collectivités locales … sont autant de facteurs qui transforment certaines de leur tentative d’intervention en mission impossible. D’aucun y verront une pratique de clientélisme. On peut aussi y voir le fantasme de jouer aux Zorros. Il y a sans doute tout simplement le désir sincère de venir en aide à celles et à ceux pour qui cette démarche est le dernier recours. Le métier de maire, c’est aussi la médiation. On suivra avec intérêt l’épisode du face à face avec un groupe d’habitants refusant l’implantation de logements sociaux dans leur quartier résidentiel ou encore la rencontre avec des jeunes de quartier. Maire, c’est encore assurer la sécurité. Cela implique de répondre aux sollicitations d’un sous-préfet qui incite à installer la vidéosurveillance, ou être sur le pied de guerre, comme à Montfermeil, un an après les émeutes de 2005, dans une atmosphère de guerre civile et devoir résister au pessimisme montant et au sentiment que « tout est foutu ». Pris sur le vif, loin des façades et des faire semblant que peuvent encourager une interview de quelques minutes, ce suivi assuré par Hacène Belmessus est un précieux instantané de la réalité.

 

Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°874 ■ 28/02/2008