Opération banlieues. Comment l'État prépare la guerre urbaine dans les cités françaises

BELMESSOUS Hacène, La Découverte, 2010, 203 p.

En tant que ministre de l’intérieur, puis Président de la République, Nicolas Sarkozy a fait du contrôle des banlieues, la condition de l’exercice de son pouvoir. Jusqu’où peut aller le flot de haine provoqué par son dogme sécuritaire contre des quartiers accusés d’être les principaux responsables de l’insécurité ? La réponse que nous propose Hacène Belmessous, à l’issue d’une longue enquête, est des plus inquiétantes. Car c’est bien d’une guerre de reconquête dont il est question, contre des lieux de soi-disant subversion nécessitant une reprise en main, par des hommes d’action. Cela prend d’abord la forme d’une régénération urbaine, selon un mode d’organisation policier. Ce qui préside aux rénovations, ce n’est plus tant le renouveau d'un territoire lui permettant de s’adapter aux nouvelles exigences de la vie contemporaine, que la réduction de la délinquance et de l’insécurité par la restructuration de l’urbanisme et de l’architecture. Plus d’impasses, plus de coursives, plus de points aveugles, mais des espaces vidéo-surveillés, éclairés en permanence et disposant de multiples points d’accès... soit la mise en œuvre d'une « prévention situationnelle » conforme aux stratégies d’intervention de la police. Les destructions massives d’immeubles ont beau avoir pour objectif officiel de faire disparaître l’habitat insalubre et les reconstructions de bâtiments de standing différents être destinées à assurer une mixité sociale, les 27.000 logements non reconstruits en 2007 (33.000 en 2008) indiquent bien plus une volonté d'épuration sociale et de reconquête de micro-territoires, par l’expulsion des populations à risque. Seconde stratégie appliquée, l'assimilation progressive par les forces de maintien de l'ordre, de la culture militaire. C’est, d'abord, l'utilisation d'une multitude d'outils techniques adaptés à leur mission de renseignement, de protection et d'intervention. Mini drones à voilure fixe ou tournante, observation aérienne par imagerie 3D, surveillance d'une zone par des capteurs acoustiques directionnels ou par imagerie infrarouge, marquage d'individus par un procédé physico-chimique ou localisation par balises agrippantes ... Les industriels ont investi massivement, pour mettre au point des technologies dont la commercialisation laisse envisager des retombées financières considérables. La gendarmerie et l'armée possèdent des camps d'entraînement respectivement à Saint Astie et à Sissonne, dédiés aux interventions en zone urbaine. Si la haute hiérarchie et certains syndicats policiers applaudissent à cette politique ultra sécuritaire propice à l'escalade guerrière, beaucoup de policiers et de gendarmes de terrain sont bien plus dubitatifs et inquiets. Mais, cela suffira-t-il ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1031 ■ 22/09/2011