Nous... la cité « on est parti de rien et on a fait un livre »

BEN BELLA Rachid, ERAMBERT Sylvain, LAKHECHENE Ryad, PHILIBERT Alexandre, PONTHUS Joseph, Éd. La Découverte, 2012, 215 p.

Quel plaisir de retrouver Joseph Ponthus, trop tôt disparu. Son livre A la ligne. Feuillets d’usine (tremintin.com) l’avait fait connaître des milieux littéraires, à sa sortie en 2019. Mais, avant que ce témoignage sur le sort du monde ouvrier des abattoirs ne le rende célèbre, l’auteur avait publié un premier ouvrage qui, pour dater de plus de dix ans, n’a pas perdu de son actualité.

Educateur de rue à Nanterre, il avait alors entrainé une poignée de jeunes d’un quartier de Nanterre dans l’improbable aventure de l’écriture d’un livre. Présenté comme un journal de bord, ce récit décrit à travers le cheminement du projet, le quotidien de cette banlieue trop souvent dénigrée et discriminée. L’auteur suit pas à pas le vécu de jeunes quittant une vie de galère pour entrer, petit à petit, dans une vie adulte plus normalisée.

Jour après jour, s’égrène le quotidien de ces cités. Le lecteur y découvre les joies et les galères de ces jeunes. Leurs trafics petits et grands. Leurs allers-retours en prison. On y rencontre même des magistrats se déplaçant sur le terrain à leur rencontre.

On y décrit les rapports de ces jeunes à la religion, à l’école, à l’émeute … et déjà l’affrontement avec les forces de l’ordre suite à une violence policière qui s’est soldée par un mort, mort qui restera à jamais impunie.

On y suit surtout le travail quotidien d’un éducateur de rue. Les liens de confiance tissés. La continuité d’un accompagnement inconditionnel. La relation éducative dans ce qu’elle a de plus éthique. Et toute l’importance de ce noble travail dans le destin de jeunes dont le basculement ne tient qu’à un cheveu.

Ce document, qui donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais, est exceptionnel. Le lire aujourd’hui, c’est mieux comprendre les troubles du début d’été. Car, en douze ans, pas grand-chose n’a changé.

Humour, tendresse, finesse d’analyse : cette plongée dans ce qu’il y a de plus humain ne doit pas échapper au lecteur curieux. En refermant la dernière page, il sera convaincu de ne plus voir dorénavant la « racaille » sous le même jour.