CER, CEF… Contenir pour reconstruire pas à pas

Cahier de l’Actif, n°336/337, juin 2004

La tentation d’enfermement des mineurs délinquants multirécidivistes a émergé dans un contexte largement marqué par la réaffirmation d’une préoccupation de sécurité physique et matérielle menacée par des comportements asociaux parfois très inquiétants. Les institutions se sont trouvées en échec dans la prise en charge de ce public, les équipes éducatives spécialisées n’arrivant plus à contenir ses comportements. La réaction de l’Etat s’est alors orientée vers un durcissement de la législation répressive : abaissement de la responsabilité des mineurs à 10 ans, création de sanctions éducatives, introduction d’une procédure de jugement à délai rapproché, assouplissement des modalités de détention préventive etc … La création de structures éducatives comportant une dimension de contention s’inscrit donc dans une démarche plus globale. Les Centres éducatifs fermés ont été créés en 2002, par une loi adoptée dans la précipitation. L’article 33, introduit dans l’ordonnance du 2 février, précise que ces centres s’adressent à des jeunes âgés de 13 à 18 ans qui sont soumis à des obligations dont la violation peut entraîner le placement en détention provisoire si le mineur n’a pas encore été jugé et ou l’emprisonnement s’il a été jugé coupable. Le placement dure 6 mois, renouvelable une fois. Il se répartit en trois phases : à l’arrivée, bilan tant de santé, que du niveau scolaire ou professionnel. Puis, prise en charge intensive visant à apporter une formation axée notamment sur un rattrapage en lecture écriture et calcul. Enfin, un module d’accompagnement vers la sortie doit permettre une réintégration dans la société. Très vite, ce dispositif a fait l’objet de critiques très vives. On l’a d’abord accusé de récréer des lieux explosifs, interdisant toute reconstruction personnelle et toute action éducative. Autre critique : le hasard du calendrier a fait naître, la même année, deux mouvements contradictoires. D’un côté, la loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale s’appuie sur la conviction que la société préservera d’autant mieux son unité, qu’elle saura garantir l’accès de chacun de ses membres aux droits fondamentaux. De l’autre, les centres éducatifs fermés qui s’appuient sur la logique inverse du bouc émissaire et de la victime expiatoire. Le meilleur moyen de protéger l’harmonie de la société serait d’exclure ceux de ses éléments qui posent problème. C’est vrai qu’on peut s’interroger sur le rôle véritable des CEF : permettre au jeune de sortir de sa dérive délinquante  ou plutôt le mettre à l’écart ? L’enfermement constitue un vrai défi : comment s’engager dans le processus de resocialisation, quand le jeune est isolé du reste de la société ? Constatons néanmoins que la même argumentation fut employée en 1995, quand les Centres éducatifs renforcés (à l’époque dénommés Unités éducatives à encadrement renforcé) ont vu le jour. Conçus dans le but de couper le jeune de son milieu et de son parcours délinquant, il cherchait à lui faire pratiquer des activités valorisantes le conduisant au dépassement de lui-même, à réfléchir sur le sens de ses actes, sur son histoire et son projet. A la différence des CEF, les CER ont quelques longueurs d’avance qui permettent de mesurer la pertinence de leur action. Ainsi,  le CER d’Alès a-t-il tenté d’évaluer son action au cours des 7 sessions qui ont regroupé 48 jeunes de 1998 à 2000. Pour 34 d’entre eux, il n’y a pas eu de récidive délinquante (71%), 23 sont entrés dans un projet scolaire et professionnel (48%) et 18 ont amélioré leurs relations sociales (38%). Les Cahiers de l’Actif donnent la parole tant aux pourfendeurs des ces dispositifs qu’à ses acteurs, permettant au lecteur de se faire sa propre opinion.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°730 ■ 18/11/2004