De la dette au don - La réparation pénale à l’égard des mineurs

Sous la direction de Maryse Vaillant, ESF, 1994, 238 p.

La recherche active de solutions alternatives à l’incarcération date des années 1970 aux Etats-Unis. En Europe et notamment en France, c’est avec la décennie 80 que vont se dérouler les premières expériences avec notamment l’instauration des Travaux d’Intérêt Généraux. Maryse Vaillant, chargée d’études au centre de recherche de la Protection judiciaire de la Jeunesse a consacré en 1994 un ouvrage sur le thème de la réparation pénale. Le livre regroupe de nombreuses contributions d’auteurs d’horizons  divers  qui vont de l’université aux psychanalystes en passant par des éducateurs et des magistrats. Plus que d’une description des dispositifs existants, il est question ici de l’approche philosophique (au sens large du terme) de la réparation.

Le constat de base est bien le suivant: la justice pénale ne satisfait ni la victime, ni le condamné, ni la société... et ce d’autant plus quand il s’agit de mineurs délinquants. En s’adressant plus à la personne qu’à son acte, l’ordonnance de 1945 a apporté une pierre supplémentaire au cadre de la loi (qui se limitait jusqu’alors à la seule sanction): l’éducation (on sait que l’acte anti-social de l’adolescent possède un caractère éminemment transitoire). Mais une troisième étape manquait à l’édifice: c’est celle de la réparation. Ce qui fonde le rapport social, c’est bien la relation de partenariat qui relie les citoyens entre eux. L’infraction nie, agresse et détruit l’autre. Réparer va dès lors consister à établir une conciliation afin de rétablir le principe de réciprocité. Ce n’est pas du dédommagement, car la justice rétributive se contente de faire acquitter une créance. Non, ce dont il s’agit, c’est bien que le jeune prouve aux autres et à lui-même qu’il est capable de réintégrer le lien social. L’échange de sentiments et d’émotions entre la victime et le coupable en aboutissant à une reconnaissance de l’un par l’autre permettra le rétablissement de chacun dans sa position. L’investissement d’une telle procédure par le mineur dépendra de son degré de culpabilité. En cas de pathologie narcissique, seule l’humiliation et la honte émergeront, rendant alors ineffectif le but recherché. L’accompagnement du jeune apparaît dès lors, comme un facteur déterminant dans la réussite du processus. Le rôle de l’éducateur est central dans l’étayage relationnel de l’adolescent qui grâce à la confiance et à l’identification positive qu’il établit à l’égard de cet adulte peut trouver suffisamment de bienveillance en lui pour entrer dans une compréhension effective de sa victime. Même si le professionnel travaille à se rendre inutile, en attendant, son rôle consiste à soutenir et favoriser la transition à un état qui permette la transformation des désirs pulsionnels en rapports socialisés.

Maryse Vaillant consacre de longues pages à étudier les mécanismes qui amènent les personnels de la Protection judiciaire de la Jeunesse à s’identifier aux jeunes délinquants dans un désir de les réparer en les considérant avant tout comme des victimes, soit à considérer leur travail d’un point de vue bien plus juridique.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°330 ■ 30/11/1995