La violence des jeunes en question

LE GOAZIOU Véronique et MUCCHIELLI Laurent, Champ Social, 2009, 150 p.

Le problème de l’insécurité est devenu hautement médiatisé et politisé. C’est d’abord les medias qui privilégient le sensationnel qui fait vendre. Ce sont ensuite les élus qui voient dans la déclaration de la guerre au crime l’un des discours les plus vendeurs et rentables : faire peur permet ensuite de se pose comme garant du « retour à l’ordre », par la répression. Face à ce sujet sensible, les auteurs adoptent une posture de recherche scientifique : leur méthodologie tend à l’objectivation et peut être soumise à la critique. Et ce qu’ils nous démontrent avec brio, c’est bien que notre société produit elle-même une augmentation statistique dont elle s’effraye ensuite. Première illustration : entre 1954 et 1969, le nombre de mineurs jugés est multiplié par trois. Outre, le baby boom (40% de naissance en plus, à partir de 1945) qui a augmenté mécaniquement le nombre de jeunes et donc potentiellement de jeunes délinquants, il faut aussi tenir compte d’un mécanisme qui constitue leur cœur de la démonstration de l’ouvrage : l’introduction de nouvelles qualifications pénales. Entre 1950 et 1970, on passe de 1,5 million à 15 millions de voitures en circulation. Le code de la route est introduit en 1957/1958. En toute logique, le nombre des infractions routières, qui n’étaient pas jusque là pénalisées, explosent. Idem pour les vols de véhicules.  La délinquance des années 1960 est marquée par une société de consommation en plein essor et son objet culte la voiture. Seconde illustration : la société contemporaine. Les chiffres de la délinquance des mineurs connaissent un bond spectaculaire à partir de 1994, date d’entrée en vigueur du nouveau code pénal qui a multiplié le nombre d’incriminations : harcèlement sexuel, appels téléphoniques malveillants, tags, agressions sonores, menaces verbales etc… L’exemple des Coups et Blessures Volontaires (CVT) est tout à fait représentatif. Lorsqu’ils entraînaient une Incapacité Temporaire de Travail inférieure (ITT) à 8 jours, ils relevaient avant 1994 de la simple contravention. Après cette date, s’ils ont lieu sur mineurs, sur personnes titulaires de l’autorité ou s’ils sont commis en réunion, ils constituent un délit. Rien d’étonnant dans ces conditions qu’entre 1984/85 et 2005/06, cette infraction particulière ait été multipliée par 15 (dans le même temps les CVT avec ITT de plus de 8 jours ont diminué de 17,3%). Que notre société cherche à diminuer les limites du supportable et abaisser les seuils de tolérance est un choix qui peut s’entendre. A condition que l’inflation des chiffres de la délinquance juvénile que cela génère ne soit pas confondue avec une amplification des pratiques, quand il s’agit bien plus d’une aggravation de leur identification et répression.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°968 ■ 08/04/2010