Les fantômes de l’Europe. Les migrants face aux politiques migratoires

PEYROUX Olivier, Éd. Non Lieu, 2020, 235 p.

Certains partis politiques et nos gouvernements successifs n’ont de cesse que de promettre de lutter contre l’immigration. Celle-ci est pourtant restée stable depuis quinze ans, mise à part la crise aigüe de 2015 qui s’est résorbée dès l’année suivante. Mais, ce dont on parle beaucoup moins, c’est de la traite consécutive des êtres humains. La protection des frontières a supplanté celle des personnes. Si les autorités ont favorisé l’expansion de l’industrie du contrôle biométrique, elles ne s’attaquent pas aux filières d’exploitation des populations migrantes dont leurs pays ont besoin. Utilisation massive des enfants dans l’agriculture au Liban, mariage précoce et prostitution cachée des jeunes femmes à la frontière turco-syrienne, kidnappings et tortures des réfugiés en Lybie permettant de rançonner les familles restées au pays … Le renforcement de la surveillance extérieure a surtout permis de renchérir le prix des passages (500 € en 2010 contre 5 à 7000 € en 2016) et de transformer ce trafic en une affaire particulièrement lucrative ! A l’intérieur des murs qu’elle a érigés, l’Europe a aussi vu se propager les pires effets de sa politique anti-immigration : familles mendiant dans les rues, ados vendant à la sauvette cigarettes ou cannabis, jeunes se prostituant, gamins volant des téléphones à la sauvette, employeurs sautant sur l’aubaine pour faire travailler des migrants sans papiers à bas coût dans l’agriculture, l’hôtellerie ou le bâtiment … L’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’instrumentalisation de la mendicité, les prélèvements d’organes, les pratiques de servitude et les trafics d’esclaves sont les corollaires des politiques répressives de gestion des flux migratoires de nos sociétés démocratiques hors et dans leurs frontières.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1288 ■ 02/02/2021