Moi, l’enfant autiste

Judy et Sean Barron, Plon (1993), J’ai Lu (1995),  318 p.

Voilà un récit saisissant écrit à deux voix: la mère et le fils. Lui est né autiste et nous fait vivre son ressenti tout au long du livre. Elle a vécu pendant 17 années en se battant de toutes ses forces pour essayer de sortir son enfant de ce marasme psychique. Reprenant le journal qu’elle a tenu toutes ces années, Judy Barron nous raconte son histoire avec une chaleur et une émotion qui valent vraiment le détour.
Tout commence par la joie et le plaisir d’une jeune femme de 21 ans face à la naissance de Sean. Pourtant ce bébé hurle en permanence comme si le monde extérieur l’épouvantait et l’angoissait d’une façon démesurée. Et puis, il n’y a jamais possibilité de croiser son regard comme si on était invisible. Seuls les gestes obsessionnels vont bientôt sembler le rassurer. Pendant des heures, il fait tomber le même objet  de la table, il tortille son doigt dans un trou du parquet ou encore il actionne sans cesse les interrupteurs électriques. Cette répétition inlassable est un moment de profonde satisfaction pour Sean. Quand cela provoque des catastrophes (comme jeter tout ce qui lui passe par la main dans la cuvette des WC), impossible de le raisonner. Il n’a aucune conscience de faire des bêtises ne reliant pas les effets à leurs causes.
A  4 ans, c’est l’annonce du diagnostic d’autisme: combien de médecins et de spécialistes consultés pour aboutir à des progrès bien stagnants mais avec à la clé la culpabilisation d’une mère désignée comme responsable, selon les arcanes de l’époque.
L’entrée à l’école est un miracle: Sean arrive à y tenir ... mais c’est pour se déchaîner dès son retour à la maison. En grandissant, ses manies évoluent: consultation de compteurs de voiture, exploration des impasses, affection tout particulièrement apportées aux virages à gauche deviennent des idées fixes. Ce qu’il faut à l’enfant, c’est exercer un contrôle sur son environnement en instituant des règles et des rituels personnels  qu’il exige de voir respectées. Un verre doit être uniquement rempli de Coca-Cola. En mettre un dans son champ de vision qui contient de l’eau provoque chez lui une terrible crise de colère.
En grandissant, Sean tente désespérément et maladroitement d’établir un contact avec les autres. Un jour, il désire avoir de l’humour: le voilà à apprendre par coeur les dialogues des séries télévisées comiques ! Une autre fois il s’adresse à un ami de sa mère croisé sur un parking en empruntant à un livre récemment lu: « Grand Dieu, quel plaisant air vespéral nous avons ce soir. J’en suis tout euphorique. Je suis charmé de faire votre connaissance ».
Judy Barron et son mari, tout au long de cette vie chaotique et tourmentée vont vivre dans une véritable tyrannie imposée par leur fils. Confrontés aux passages à l’acte permanent de Sean, les relations sont imprégnées par la violence et l’agressivité.
C’est dans sa dix septième année que Sean Barron émerge de sa terrible prison et ce d’une façon subite et surprenante. Il commence alors à découvrir le monde, à rattraper son retard et à faire l’apprentissage de la vie.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°382 ■ 23/01/1997