Handicaps et sexualité. Le livre blanc

NUSS Marcel (sous la direction de), Dunod, 2008, 261  p.

Trop longtemps, le handicap a transformé celles et ceux qui en étaient atteints en êtres à part, en marge de la société, ni hommes, ni femmes véritables, tantôt anges, tantôt bêtes, incapables d’être aimés ou d’aimer eux-mêmes. Aux tabous religieux ou moraux se rajoutait la crainte d’une hérédité qui reproduirait les déficiences. Peu à peu, les parents et les éducateurs ont cessé de traiter les personnes atteintes de handicap sur le seul registre de la protection et ont admis la nécessaire prise en compte de leur sexualité. Il n’est pas d’établissement d’accueil qui ne s’interroge aujourd’hui sur cette dimension incontournable de la vie humaine. Car, si la génitalité n’est pas l’unique source de plaisir personnel ou de libération pulsionnelle, on ne peut nier la souffrance que constitue le fait d’en être privé. D’autant, que la revendication d’un accompagnement à la vie intime, affective et sexuelle ne se résume pas au seul droit à la jouissance charnelle. On est là dans une approche infiniment plus complexe qui renvoie à la recherche d’un bien être total à la fois physique et moral et à la prise en compte de cette part d’humanité que chacun d’entre nous possède en lui. Pourtant, si la relation à l’autre est vécue pour la plupart sous le registre de l’évidence, il n’en va pas de même pour les personnes en situation de handicap qui, souvent placées dans une situation de dépendance, rencontrent des difficultés à accéder à un rapport de séduction pouvant aboutir à des relations plus intimes. Déconnectées de leur corporalité, elles ont besoin d’être aidées à se réapproprier leur corps, à l’apprivoiser et à mieux le maîtriser. Alors que dans certains pays du nord de l’Europe, l’assistance sexuelle existe depuis quarante ans, la législation de notre pays réprimant le proxénétisme bloque toute possibilité : un individu contribuant à fournir les moyens nécessaires à un rapport sexuel rétribué encourt sept ans d’emprisonnement et 150.000 Euros d’amende ! L’accompagnement érotique se distingue pourtant de la prostitution par la formation spécialisée suivie. N’importe qui ne peut l’exercer librement, tant le contact avec un corps difforme, peu agile, voire immobile, suscite des réactions qui vont de la compassion au dégoût, en passant par l’apitoiement. Il s’agit donc d’une véritable révolution culturelle qui doit s’opérer tant dans les représentations des familles et des éducateurs, que dans la loi, si l’on veut dépasser les seules proclamations et garantir la concrétisation du beau principe de la pleine participation des personnes porteuses de handicap à tous les domaines de la vie. Cette problématique fait l’objet de l’ouvrage passionnant, coordonné par Marcel Nuss. On y trouvera une multitude d’analyses, de témoignages et de débats contradictoires.

 

Jacques Trémintin- LIEN SOCIAL ■ n°885 ■ 22/05/2008