Handicap mental et majorité. Rites de passage à l’âge adulte en IME

SANTAMARIA Eric, L’Harmattan, 2009, 170 p.

Alors que le statut d’adulte renvoie à la pleine responsabilité du sujet, la notion de handicap mental enferme dans le stigmate de l’éternelle enfance. Ce paradoxe, les jeunes majeurs de l’IME de Villejuif voulaient en sortir : non seulement voir leur maturité reconnue, mais aussi être accompagnés, par leurs éducateurs, dans l’apprentissage de cette nouvelle étape de leur existence. Éric Santamaria commente la genèse de cette prise de conscience et de l’évolution de l’équipe éducative, à partir d’une double approche : la position impliquée de l’éducateur salarié de l’institution tout d’abord, et celle distanciée  de l’ethnologue chercheur. Cela ne lui a pas été facile de manier les deux postures. Si chacune d’entre elles privilégie l’observation, la première utilise le regard pour changer ce qui se passe, alors que la seconde cherche à regarder, uniquement pour dire ce qui se passe. L’auteur réussit avec brio le pari de décrire la mutation majeure intervenue sous la poussée des jeunes adultes. L’équipe prit le temps de réfléchir et d’élaborer un dispositif, en veillant à protéger l’usager, sans l’aliéner et à faire la promotion de son autonomie, sans le mettre en danger. Le passage de l’IME à l’ESAT ou au Foyer occupationnel est un souvent moment délicat, marqué par un flou identitaire et l’angoisse face à la perspective d’un avenir incertain. La majorité réactive le deuil de la normalité et confronte les usagers aux désillusions douloureuses quant aux conséquences de la vie adulte que chacun pourra assumer plus ou moins partiellement : emploi salarié, vie sexuelle, formation d’un couple, fondation d’une famille. Mais, la situation de dépendance dans laquelle ils se trouvent n’est pas antinomique avec l’amélioration de leur autonomie. C’est à partir de cette conviction que fut créée une nouvelle instance institutionnelle : l’inter-unité jeunes majeurs (IUJM). Une charte fut élaborée, ainsi qu’un règlement précisant les conditions d’exercice des nouvelles libertés, comme sortir sans accompagnateur ou consommer de l’alcool ou du tabac. Les relations avec les éducateurs furent contractualisées. Des groupes de parole furent constitués pour accompagner l’apprentissage de la prise personnelle d’initiative. Les inquiétudes des parents furent aussi prises en compte. L’IUJM est devenu à la fois le marqueur des différences entre l’IME et les établissements destinés aux adultes, mais aussi le trait d’union, le rite de passage entre ces deux espaces. L’usager y est « autre chose que les conséquences de sa pathologie, elle est un être social inscrit dans la norme des âges et donc dans un ensemble de droits et de devoirs » (p.133). Un ouvrage à lire, pour son regard sur notre métier et la pertinence de son analyse. 

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°967 ■ 01/04/2010