Handicap. Une encyclopédie des savoirs

GARDOU Charles (sous la direction), Ed. érès, 2014, 469 p.

Comment contrecarrer tous ces lieux communs, ces contrevérités et ces affabulations colportées à propos du handicap ? Sûrement, en déconstruisant les fausses croyances et en proposant des savoirs éprouvés. C’est justement ce que nous propose Charles Gardou qui réunit dans le même ouvrage vingt-quatre spécialistes dans les domaines aussi divers que l’urbanisme, l’anthropologie, l’épidémiologie, l’histoire, la médecine, l’obstétrique, la philosophie, le droit, les sciences éducatives, économiques et politiques, la sociologie ou toutes les branches de la psy. Le résultat est à la hauteur des attentes. Invité à synthétiser une discipline qui justifierait, à elle seule, de nombreux livres, chaque contributeur se montre didactique et explicite, comme autant de confluents venant alimenter le fleuve des connaissances. Une constante traverse l’ensemble de tous ces apports : la mise en perspective de la personne avec handicap et celle considérée comme valide. Entre l’uniformisation universaliste (tous pareils) et la fragmentation différentialiste (chacun est différent), nous ne sommes pas condamnés à un enfermement binaire. Il existe une continuité entre la multitude des versions dans lesquelles l’essence de l’humain se décline. Parce que nul n’est à l’abri d’un accident ou d’une lésion, d’un traumatisme ou d’un trouble et parce que chacun passera par une phase de vulnérabilité et de dépendance s’il atteint la vieillesse, les notions de handicap et de pleine santé sont floues et relatives. L’autre n’est jamais un donné, c’est une construction culturellement valorisée ou rejetée. Or, c’est bien notre société contemporaine qui, sous l’emprise d’un discours idéologique de bien-pensance utilitariste, fonctionnaliste et moralisant, a élaboré un normocentrisme et un validocentrisme qui a succédé à l’ethnocentrisme passé. En opposition à l’interdépendance, à la réciprocité et à la reliance, se sont bien les critères de rentabilité, de performance et de compétition qui cherchent à évaluer la plus ou moins grande valeur d’un individu et à hiérarchiser au sein de l’espèce humaine celles et ceux qui sont les plus méritants. Mais qui pourra affirmer qu’une vie sans atteinte organique, mais plongée dans un mal-être constant vaut plus ou moins qu’une vie riche et satisfaisante, malgré une déficience physique ou psychique ? La carence n’est un défaut qu’au regard d’une norme qui la considère comme obstructive et non constructive. Promouvoir la diversité nécessitera une réorganisation profonde des façons de penser les liens entre égalité, similitude et différence.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1218 ■ 30/11/2017