424 pas

MAINARDI Diogo, Ed. Flammarion, 2015, 179 p.

Tito souffre d’une infirmité motrice cérébrale, due à une erreur médicale intervenue au moment de sa naissance. Son père, journaliste et écrivain brésilien, nous livre en 424 billets son vécu de père et celui de son fils. Maniant avec dextérité l’humour, le cynisme et la tendresse, il nous entraîne dans un tourbillon érudit autant qu’ébouriffant, riche en références littéraires, artistiques et historiques qui semble s’éloigner du handicap pour chaque fois mieux y revenir. Dans un style peu commun, Giogo Mainardi poursuit une seule et même ambition : célébrer la valeur de la vie de son fils invalide. A la pitié, il a toujours préféré la dévotion à l’égard d’un enfant dont il cultive le culte : « quand j’ai vu Tito dans sa couveuse, le jour de sa naissance, j’ai compris que je l’aimerai et que je l’accueillerai pour toujours. Avec le temps, rien n’a changé. Je l’aimerai toujours. Je l’accueillerai toujours » (421/p.178). Illustration, plus qu’explication de l’amour parental absolu et sans limites pour son enfant, quelle que soit sa différence, l’auteur s’identifie à la fierté d’un Neil Young consacrant un disque à son fils lui-même porteur d’un grave  handicap (« transformer man ») ou d’un David Cameron s’affichant avec son fils atteint lui aussi d’infirmité cérébrale. Le disque distordu, inabouti et mal bâti du célèbre chanteur sera  un échec commercial et l’homme politique sera accusé d’exploiter médiatiquement l’image de son fils handicapé. Giogo Mainardi revendique, lui aussi, d’« exploiter » son fils, refusant de le cacher, parce qu’il veut crier à la face du monde combien il en est fier. Le livre s’achève, quand Tito a enfin réussi à marcher 424 pas, sans chuter, progressant petit à petit, en s’appuyant sur l’amour des siens. Interrogation sur la normalité, interpellation sur le handicap et ode à l’attachement d’un père pour son fils, « 424 pas » émeut, bouscule et réconcilie avec l’humanité.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1172 ■ 29/10/2015