Le handicap dans notre imaginaire culturel. Variations anthropologiques (2)

GARDOU Charles (sous la direction), Ed. érès, 2015, 361 p.

Les concepts, catégories et schémas de pensée, les discours savants, professionnels ou profanes portant sur la fragilité humaine, la part de l’irrationnel ou du sacré, les conceptions du normal et de l’anormal, les croyances et vérités admises dans les systèmes explicatifs sur le handicap… n’existent pas hors sol culturel et historique. Les treize chercheurs, sollicités par Charles Gardou, l’illustrent à travers un voyage effectué aux quatre coins de notre pays. Dans les monts du Forez, c’est la rupture de l’équilibre entre le bien et le mal qui est jugé responsable de toute déficience. La toute puissance divine gardant la mainmise sur la destinée humaine, le Quercy dispose de cultes pour contrer le mauvais sort : Saint Aureil pour recouvrer l’audition. Sainte Claire, pour la vue et Saint Estropi … pour les mutilés ! En Gascogne, la malédiction poursuivit pendant des siècles les Cagots soupçonnés d’avoir hérité de la lèpre de leurs ancêtres. L’Aveyron,connu pour Victor l’enfant sauvage, rappelle combien les petits d’homme furent souvent stigmatisés quand ils étaient touchés par la maladie ou le handicap. La légende de Mélusine (femme le jour et serpent ailé la nuit) qui hante le Poitou renvoie à l’identification archaïque du handicap à la monstruosité. Les goitreux et les crétins de Alpes furent longtemps soupçonnés d’être le produit de moeurs douteuses, jusqu’à ce que la science diagnostique une carence en iode. Toutes ces traditions montrent combien l’être humain redoute de se confronter à ses inévitables fêlures et à sa propre chétivité et combien il est tenté de s’abreuver aux sources de la culpabilité et de la rédemption, plutôt que d’accepter la faiblesse et la vulnérabilité qui est pourtant au coeur de chacun(e) d’entre nous.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1248 ■ 02/04/2019