La fille pas sympa

MARCH Julia, Éd. Seramis, 2017, 283 p.

Le récit de vie de Julia March peut bénéficier d’une lecture à trois niveaux. On peut, tout d’abord, découvrir le scanner opéré de l’intérieur des mœurs des Témoins de Jehovah, dont l’auteure a subi l’endoctrinement sectaire très jeune, après que ses parents en soient devenus adeptes. On peut, tout autant, découvrir la maltraitance que lui a fait subir un père brutal et violent. Mais, c’est là aussi l’occasion de suivre une enfance, une adolescence et un début d’âge adulte marqués par l’autisme. Une observation attentive aurait pourtant pu déceler très tôt certains signaux d’alerte. La difficulté à se lier à qui que ce soit, l’indifférence face aux manifestations affectives, même celles de sa mère ; le réconfort trouvé dans la routine, les interactions répétitives et la stéréotypie des petits gestes rassurants ; l’empêchement à intérioriser les normes, les codes sociaux et la communication implicite ; l’interprétation d’une tentative amicale comme une agression ; le désintérêt face à toute ambiance festive ; l’incapacité à se socialiser avec les autres enfants, en partageant leurs jeux ; des problèmes de motricité en général et de motricité fine en particulier ; le trop plein de ressentis sensoriels qui déstabilisent et épuisent, incitant à la fuite face au monde : son bruit et son agitation, ses bousculades et son brouhaha, ses néons qui blessent les yeux ainsi que ses mille et une odeurs qui rendent nauséeuse. Là, où tous les enfants semblent avoir un besoin d’attention permanente de la part des adultes, elle était insensible à tout manifestation d’intérêt que l’on pouvait lui porter. A l’âge où l’on adore mettre le bazar, elle investissait toute son énergie à ranger et à classer les objets, dans la plus grande solitude. Plus tard, face à des jeunes qui rêvaient d’aventure et de nouvelles expériences, elle recherchera avant tout la monotonie et la stabilité. Tel fut le banal quotidien des attitudes de Julie March, depuis sa naissance. Tous ces comportements seront pendant longtemps interprétés soit comme relevant d’une posture hautaine et méprisante voire comme autant de provocations délibérées, soit comme les conséquences de l’excentricité religieuse de ses parents. Il lui faudra attendre ses 25 ans pour finalement être diagnostiquée prosopagnosique, dyscalculique et dyspraxique !

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1267 ■ 18/02/2020