Les enfants d’Asperger

SHEFFER Edith, Éd. Flammarion, 2019, 391 p.

Le suisse Eugen Bleuler décrivit pour la première fois l’autisme en 1911. L’américain Leo Kanner conçut en 1943 le syndrome d’« autisme infantile précoce ». La même année l’autrichien Hans Asperger présenta sa thèse postdoctorale sur l’autisme de haut niveau. Depuis, les sujets qui en sont porteurs sont affublés de son patronyme. Un hommage à reconsidérer. Recruté par le docteur Hamburguer, qui avait adhéré au parti nazi dès 1934, en remplacement les praticiens juifs évincés, Hans Asperger se plia volontiers à l’eugénisme qui, il est vrai, avait été élaboré bien en amont. Il participa ainsi activement à la mise en œuvre de la pédagogie curative consistant à diagnostiquer l’avenir d’un enfant en prédisant son devenir : moralement abimé, dégénéré ou inutile. Il suffisait ensuite d’euthanasier les être inférieurs ou ceux dont la vie était jugée indigne d’être vécue. Médecins, infirmières, psychologues, enseignants et même travailleurs sociaux furent associés à ces programmes de sélection qui seront perfectionnés dans les camps d’extermination nazis. Le groupe professionnel des neuropsychiatres sera le plus impliqué dans l’épuration médical de la société, l’instauration de la stérilisation forcée, les expériences humaines et le meurtre des handicapés. En août 1940, une voiture sanitaire sillonne Vienne pour identifier les enfants susceptibles de rentrer dans le programme de mise à mort. Hans Asperger approuvera ouvertement cette politique visant à purger le Reich des citoyens indésirables, intégrant même en 1942 la commission chargée de choisir les enfants à éliminer car diagnostiqués non rééducables. En 1946, l’éminent médecin sera nommé directeur de l’hôpital pédiatrique. Son passé ne lui fut jamais reproché. Décédé en 1980, sa thèse sera redécouverte en 1981, lui valant une notoriété posthume. Une nouvelle statue à déboulonner ? 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1294 ■ 27/04/2021