De chair et de fer

PUISEUX Charlotte, Éd. La Découverte, 2022, 166 p.

Qui a décidé que marcher, voir, entendre, utiliser le langage oral, percevoir la réalité d’une certaine façon étaient les conditions pour qu’une vie soit digne d’être vécue ? Celle des personnes présentant des handicaps serait donc naturellement inférieure et dotée de moins de valeur ! Confondre la personne avec sa déficience médicale, son manque, sa défaillance, son insuffisance, sa faiblesse organique ou psychologique constitue l’une des traces les plus visibles du système global du validisme. Diagnostiquée dès sa naissance avec une maladie génétique grave, Charlotte Puiseux a suivi un parcours universitaire prestigieux. Mais, elle refuse de se présenter comme l’héroïne d’une histoire de résilience et de dépassement de soi, preuve vivante que l’on pourrait égaler les valides, quand on le veut. Elle préfère s’engager dans le combat pour inverser les représentations qui distinguent le sain du pathologique et délimite la pleine et entière humanité. Les normes érigées par la médecine induisent que tout corps défaillant doit être soigné, redressé, guéri et maintenu dans des institutions tant que cela n’est pas réalisé. L’identité handi regorge de négativité et de honte. Son rêve ? Une marche des fiertés, à l’image de la gaypride ! Son ambition ? Contribuer à retourner le stigmate comme socle d’une prise de pouvoir faisant des personnes handicapées des sujets de droit, égaux à ceux qui ne le sont pas et plus jamais réduites à des objets de soins. Son objectif : changer le rapport entre validité et handicap non comme deux parallèles, mais comme un continuum sur lequel se positionnent différentes postures identificatoires possibles. Sa découverte des Disability Studies, son expérience politique et ses convictions intersectionnistes constituent les étapes de sa prise de conscience et de son engagement.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1326 ■ 01/11/2022